jeudi 1 décembre 2011

Tahar Djaout


D'origine kabyle, Tahar Djaout est né le 11 janvier 1954 à Oulkhou (Ighil Ibahriyen) près d'Azeffoun en Kabylie.

En 1970 sa nouvelle Les insoumis reçoit une mention au Concours littéraire « Zone des tempêtes ». Il achève ses études l'année suivante au Lycée Okba d'Alger et obtient en 1974 une licence de mathématiques à l'Université d'Alger, où il s'est lié avec le poète Hamid Tibouchi.

Tahar Djaout écrit ses premières critiques pour le quotidien El Moudjahid, collabore régulièrement en 1976 et 1977 au supplément El Moudjahid Culturel puis, libéré en 1979 de ses obligations militaires, reprend ses chroniques dans El Moudjahid.


Tahar Djaout en 1980Responsable de 1980 à 1984 de la rubrique culturelle de l'hebdomadaire Algérie-Actualité, il y publie de nombreux articles sur les peintres et sculpteurs (Baya, Mohammed Khadda, Denis Martinez, Hamid Tibouchi, Mohamed Demagh) comme sur les écrivains algériens de langue française dont les noms et les œuvres se trouvent alors occultés, notamment Jean Amrouche, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Mohammed Dib, Rachid Bey, Jean Sénac, Bachir Hadj Ali, Hamid Tibouchi, Messaour Boulanouar, Youcef Sebti, Kamel Bencheikh, Abdelhamid Laghouati, Malek Alloula, Nabile Farès...

En 1985 Tahar Djaout reçoit une bourse pour poursuivre à Paris des études en Sciences de l'information. De retour à Alger en 1987, il reprend sa collaboration avec "Algérie-Actualité". Alors qu'il continue de travailler à mieux faire connaître les artistes algériens ou d'origine algérienne (par exemple Mohamed Aksouh, Choukri Mesli, Mokhtar Djaafer, Abderrahmane Ould Mohand ou Rachid Khimoune), les événements nationaux et internationaux le font bifurquer sur la voie des chroniques politiques.

Il quitte en 1992 Algérie-Actualité pour fonder avec quelques uns de ses anciens compagnons, notamment Arezki Metref et Abdelkrim Djaad, son propre hebdomadaire : le premier numéro de Ruptures, dont il devient le directeur, paraît le 16 janvier 1993.

Victime d'un attentat islamiste organisé par le FIS (Front islamique du salut), le 26 mai 1993, alors que vient de paraître le n° 20 de son hebdomadaire et qu'il finalise le n° 22, Tahar Djaout meurt à Alger le 2 juin et repose dans son village natal d'Oulkhou.

Après sa disparition la BBC réalise sur lui un documentaire intitulé « Shooting the Writer », avec la participation de Rachid Mimouni.

Bibliographie [modifier]
Solstice barbelé (poèmes 1973-1974), couverture et 3 dessins de Denis Martinez, Éditions Naaman, Sherbrooke, Québec, Canada, 1975.
L'Arche à vau-l'eau (poèmes 1971-1973), Éditions Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1978.
Insulaire & Cie (poèmes 1975-1979), couverture de Denis Martinez, Éditions de l'Orycte, Sigean, 1980.
L'Exproprié (roman, 1974-1976), Société Nationale d'Édition et de Diffusion, Alger, 1981.
L'Oiseau minéral (poèmes 1979-1981), couverture et dessins de Mohammed Khadda, Éditions de l'Orycte, Alger, 1982.
L'Étreinte du sablier (poèmes 1975-1982), "Écrivains Algériens au présent" n° 6, Centre de Documentation des Sciences Humaines, Université d'Oran, 1983.
Les Rets de l'oiseleur (nouvelles, 1973-1981), couverture et dessins de Slama, Entreprise Nationale du Livre, Alger, 1984.
Les Chercheurs d'os (roman), Éditions du Seuil, Paris, 1984, (ISBN 2020067102). Réédition dans la Collection "Points', n° 824, Éditions du Seuil, 2001 (ISBN 2020484919).
Les Mots migrateurs, Une anthologie poétique algérienne, présentée par Tahar Djaout, (Youcef Sebti, Rabah Belamri, Habib Tengour, Abdelmadjid Kaouah, Hamid Tibouchi, Mohamed Sehaba, Hamid Nacer-Khodja, Tahar Djaout, Amine Khan, Daouia Choualhi), Office des Publications Universitaires, Alger, 1984.
Mouloud Mammeri, entretien avec Tahar Djaout, suivi de "La Cité du soleil", Éditions Laphomic, Alger, 1987.
L'Invention du désert (roman), Éditions du Seuil, Paris, 1987 (ISBN 2020095173).
L'Exproprié (roman, version définitive), Éditions François Majault, Paris, 1991 (ISBN 2908898012).
Les Vigiles (roman), Éditions du Seuil, Paris, 1991 (ISBN 2020127660), Prix Méditerranée. Réédition dans la Collection Points, Éditions du Seuil, n° 171, 1995.
Pérennes (poèmes 1975-1993), précédé de "Pour saluer Tahar Djaout" par Jacques Gaucheron, couverture et encres de Tibouchi, "Europe/Poésie, Le Temps des Cerises", Paris, 1996 (ISBN 2841090566).
Le Dernier Été de la raison (roman), Éditions du Seuil, Paris, 1999 (ISBN 2020367106).
Fragments d'itinéraire journalistique, Éditions Dar El Gharb, Oran, 2004.
Sur Tahar Djaout [modifier]
Jean Déjeux, Bibliographie méthodique et critique de la littérature algérienne de langue française 1945-1977, SNED, Alger, 1979.
Jeunes poètes algériens, choix de Jean Déjeux, Éditions Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1981.
Jean Déjeux, Dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française, Paris, Editions Karthala, 1984 (ISBN 2-86537-085-2).
Anthologie de la littérature algérienne (1950-1987), introduction, choix, notices et commentaires de Charles Bonn, Le Livre de Poche, Paris, 1990 (ISBN 2-253-05309-0)
Poètes algériens d'aujourd'hui, présentés par Christiane Achour, Poésie 91, n° 37, Paris, 1991.
L'Algérie de Djaout vaincra, "Ruptures" n° 21, entièrement consacré à Tahar Djaout, 8-14 juin 1993, Alger. Tahar, Présences, "Ruptures" n° 22, 15-21 juin 1993, Alger. Tahar, toujours, "Ruptures" n° 23, 22-28 juin 1993, Alger.
Jeune Poèsie algérienne" n°60 de la revue Traces (Le Pallet), anthologie de poètes algériens, introduction et choix de Kamel Bencheikh.
Tahar Djaout, Ruptures et fidélités (articles de Tahar Djaout publiés dans « Ruptures » et témoignages), Comité International de Soutien aux Intellectuels Algériens (CISIA), Cahiers, n° 1, Paris, 1993.
Vols du guêpier, Hommage à Tahar Djaout, Volume n°1, (textes de Afifa Berehi, Nora Kazi-Tani, Malika Hadj Naceur, F. B. et S. A., F. A.), Équipe de recherche ADISEM, Université d'Alger, Alger, 1994.
Kaléidoscope critique, Hommage à Tahar Djaout, Volume n°2, (textes de Jean Pélégri, Youcef Merahi, Rabah Belamri, Moncef Ghacem, Leila Sebbar, Marc Gontard, Isaac-Célestin Tcheho, Jeannine Fève-Caraguel, Afifa Bererhi, A. Z., Malika Hadj Naceur, Juliana Toso Rodinis, Nora-Alexandra Kazi-Tani, F. A., Saléha Amokrane, Farida Boualit et Michel-Georges Bernard), Equipe de recherches ADISEM, Université d'Alger, Alger, 1995.
Écriture et mémoire, Interview de Tahar Djaout par Salima Aït Mohamed, dans Écrits d'Algérie, Les Écrits des Forges, Québec, et Autres Temps, Marseille, 1996 (ISBN 2908805928).
Tahar Djaout, "Algérie Littérature/Action" n° 12-13, (textes de Soumya Ammar Khodja et Michel-Georges Bernard, entretien de Tahar Djaout avec I. C. Tcheho), juin-septembre 1997, Paris, 1997.
Mohamed Balhi, Tahar Djaout: l'enfant d'Oulkho dans Chroniques infernales : Algérie 1990-1995, Éditions Marinoor, Alger, 1997.
Mohamed Balhi, Ci-vit le poète, dossier sur Tahar Djaout, El Watan, 30 mai 2008.
De vive voix, paroles de Tahar Djaout transcrites par Michel-Georges Bernard, dans "Algérie Littérature/Action" n° 73-74, septembre-octobre 2003, Paris, 2003 (ISBN 2913868487).
Tahar Djaout, introduction d'Emmanuel Hiriart, choix de poèmes et documents, "Poésie/première" n° 26, Éditions Editinter, Soisy-sur-Seine, 2003.
Citations [modifier]
« Il y a toujours dans le groupe en marche (en fuite?) un jeune homme à l'esprit délétère qui porte, en plus du poids du ciel affalé sur le désert, une peine supplémentaire – dans les couloirs de sa tête des milliers de battements d'ailes, des pâturages sans limites, des filles aux lèvres fruitières. Il connaît déjà la mer, la vastitude de l'eau dansante et l'écartèlement des rivages. Une solitude l'enveloppe, lui tisse une aura d'étrangeté, l'exclut de la caravane. C'est pourtant à lui de trouver l'eau, la parole qui revigore, c'est à lui de révéler le territoire – de l'inventer au besoin. C'est à lui de relater l'errance, de déjouer les pièges de l'aphasie, de tendre l'oreille aux chuchotements, de nommer les terres traversées. »
Tahar Djaout, L'invention du désert, 1987
« Dans la ville oppressante où il vivait et où il vit encore, le Rêveur avait échafaudé – oh! Il n'ose plus le faire – des rêves sur la cité idéale où il aimerait vivre et voir s'épanouir ses enfants. Il y aurait d'abord de la verdure – arbres et pelouses -, beaucoup de verdure qui fournirait l'ombre, la fraîcheur, les fruits, la musique des fleurs et les gîtes d'amour. Il y aurait des créateurs de beauté, de rythmes, d'idylles, d'édifices, de machines. (...) Mais la vie avait continué, avec son masque de laideur et de désillusion. Puis le rêve lui-même devint interdit. Des hommes, se prévalant de la volonté et de la légitimité divines, décidèrent de façonner le monde à l'image de leur rêve à eux et de leur folie. Le résultat est là, sous les yeux : couples forcés, attelés sous le même joug afin de perpétuer et multiplier l'espèce précieuse des croyants. Les femmes réduisent leur présence à une ombre noire sans nom et sans visage. Elles rasent les murs, humbles et soumises, s'excusant presque d'être nées. Les hommes devancent leurs femmes de deux ou trois mètres ; ils jettent de temps en temps un regard en arrière pour s'assurer que leur propriété est toujours là : ils sont gênés, voire exaspérés, par cette présence à la fois indésirable et nécessaire. »
Tahar Djaout, Petite fiction en forme de réalité, dans Ruptures n° 16, 27 avril-3 mai 1993; réédité dans Europe, n° hors série Algérie, novembre 2003. Texte modifié in Le dernier été de la raison, 1999.
« Si tu dis, tu meurs,
Si tu te tais, tu meurs
Alors dis et meurs! »
(Souvent attribués à Tahar Djaout, ces mots, selon son confrère et ami Mohamed Balhi, dans El Watan du 29 mai 2008, sont du Palestinien Moueen Bessissou.)
Jugement [modifier]
« Djaout s'insurge sans doute d'abord contre tous les opiums – et il le fait avec une précision féroce. Mais son impatience de l'amour fait surtout éclater les murs, bouscule les tergiversations et les formules convenues. Lui aussi veut vivre en joie et en gloire. (...) La poésie de Djaout est enfin très enracinée dans le terroir africain. Ses racines et ses adhérences viennent à bout du macadam de la Ville; elles plongent dans l'humus ancestral du grand continent et dans ses rythmes. »

Jean Déjeux, Jeunes poètes algériens, Paris, Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1981
"C'était, au sens philosophique du terme, un libertin. Cheveux de jais, regard malicieux derrière ses lunettes, il aimait à lisser ses moustaches. Il avait le sens de la repartie, celle qui désarçonne les bonimenteurs. Son humour agira, dans son œuvre, tel un claquement de fouet. En ce sens, il était fondu dans le même moule que le Marocain Driss Chraïbi. Djaout, donc ? Il commence par la poésie."
Mohamed Balhi, conférence à Tizi Ouzou, 22 mai 2008

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