Son engagement dans les rangs des durs lui vaut un passage à tabac qui le laisse pour mort après un meeting houleux à la Mutualité à Paris. Rentré en Algérie en septembre 1954 pour participer à la préparation de la lutte armée aux environs de l'Arbâa des Ouacifs, il y recevra de Mokhtar Kaci-Abdallah, une instruction sur le maniement des explosifs.
Le 1er novembre 1954, il entre dans la clandestinité sous les ordres de Amar Aït Chikh et assiste en 1955, impuissant, au simulacre de procès, organisé, à l'instigation de Krim Belkacem, qui aboutit à l'assassinat d'Amar Ould Hamouda (figure connue du mouvement national). Amirouche y arrive à un moment crucial, puisque le chef du maquis de la zone de Michelet Amar Ait Cheikh vient d'être tué dans un accrochage avec une unité française. Les djounoud (combattants) sont démoralisés, hésitants. Amirouche leur donne des conseils pour se réorganiser. Il le fait avec une telle autorité et un tel ascendant que les maquisards lui demandent de prendre la place d'Amar Ait Cheikh. Habile tacticien de guérilla, il gravit rapidement les échelons de la hiérarchie jusqu'au grade de commandant et sur proposition de Krim Belkacem, il devient responsable du F.L.N. de toute la vallée de la Soummam, de Sidi-Aïch à Bouira. Il engage, en 1955 dans la vallée de la Soummam, le combat contre les maquis M.N.A. de Bellounis qu'il réussit à repousser dans le Sud algérien. Il établit son quartier général à l'est du Djurdjura, dans la région des Bibans et se hisse au rang de principal adjoint de Krim Belkacem. Partageant entièrement la vie de ses djounouds, il fait régner une discipline très stricte car préoccupé par les possibilités « d'infiltration » et de trahison dans ses rangs. Caressant l'idée de procéder à une refonte de l'organisation qui redonnerait la primauté à « l'intérieur » sur « l'extérieur ».
Lors de la crise de la Wilaya 1, après la mort de Mostefa Ben Boulaïd et la liquidation de chefs prestigieux tels qu'Abbas Laghrour, Bachir Chihani et quelques autres, il est chargé par le CNRA de remettre de l'ordre dans les rangs des combattants. Il s'acquitte de cette mission et redonne à la Wilaya 1 son unité perdue et sauvera la vie, du futur colonel Si El Haouès (Ahmed Ben Abderrazzak).
Lors du départ de Saïd Mohammedi, le conseil de la Wilaya, le désigne comme successeur, qu'il refusera pour appliquer la règle établie par l'ALN qui exige que le poste revienne à l'officier le plus ancien dans le grade, en l'occurrence, Saïd Yazouren dit Vrirouche. Ce dernier, envoyé à Tunis, sera maintenu à son poste pour permettre la désignation d'Amirouche au grade de colonel.
Durant l'été 1957, il fut nommé chef de la wilaya III après que Krim Belkacem et Mohammedi Saïd eurent rejoint le Comité de coordination et d'exécution à Tunis.
L'épisode de la « bleuite »
Amirouche et son entourage appelèrent l'infiltration dont ils se croyaient victimes la « bleuite » par allusion au bleus de chauffe, des auxiliaires musulmans retournés et recrutés par les Français dans la Casbah d'Alger durant la bataille d'Alger. En lui donnant ce nom qui a la consonance d'une maladie, ils ne croyaient pas si bien dire: ils étaient, en effet, les victimes d'une gigantesque intoxication née d'une ruse de guerre révolutionnaire planifiée par le GRE (Groupe de renseignements et d'exploitation) du capitaine parachutiste Paul-Alain Léger aux ordres de Godard (Alger Sahel)
Et la wilaya crispée par la méfiance se replie sur elle même. Le colonel Amirouche adresse une lettre aux autres chefs des wilayas voisines :
« J'ai découvert des complots dans ma zone, mais il y a des ramifications dans toutes les wilayas, Il faut prendre des mesures et vous amputer de tous ces membres gangrenés, sans quoi, nous crèverons! J'ai le devoir de vous informer en priant Dieu pour que ce message vous parvienne à temps, de la découverte en notre wilaya d'un vaste complot ourdi depuis des longs mois par les services français contre la révolution algérienne. Grâce à Dieu, tout danger est maintenant écarté, car nous avons agi très rapidement et énergiquement. Des les premiers indices, des mesures draconiennes étaient prises en même temps : arrêt du recrutement et contrôle des personnes déjà recrutés, arrestation des goumiers et soldats « ayant déserté », arrestation de tous les djounoud (soldats) originaire d'Alger, arrestation de tous les suspects, de toutes les personnes dénoncées de quelque grade qu'elles soient et interrogatoire énergique de ceux dont la situation ne paraissait pas très régulière, le réseau tissé dans notre wilaya vient d'être pratiquement hors d'état de nuire après une enquête d'autant plus ardue que ses chefs étaient en apparence au-dessus de tout soupçons. »
Les arrestations, les dénonciations se multiplient en quelques semaines. A ce régime, les suspects racontent n'importe quoi et Amirouche se sent renforcé dans son espionnite.
C'est le début d'une vague d'épuration interne qui coûtera la vie à environ de deux à six mille cadres et militants FLN. Amirouche précise que les traitres sont surtout des personnes instruites, intellectuels, étudiants, collégiens, médecins et enseignants.
LETTRE OUVERTE AU COLONEL GODARD
Par une lettre ouverte au colonel Godard, le colonel Amirouche s'adresse à lui pour lui faire savoir qu'il a découvert le prétendu complot... ce qui revient à lui annoncer triomphalement qu'il est tombé dans le piège. Cette lettre, intéressante à plus d'un titre, témoigne inopinément du respect que les officiers de l'A.L.N. ressentent pour un officier français. Leurs notions de l'honneur d'un officier français est telle qu'Amirouche est scandalisé que Godard, qu'il croit l'artisan du prétendu complot contre-révolutionnaire, et qui est, en fait, l'auteur d'une entreprise encore plus subtile, recoure à des moyens aussi tortueux.
« Au lieu d'aller combattre loyalement les vrais Moudjahidines, vous, Godard, qui prétendez être officier ... vous avez préféré travailler dans l'ombre ... vous avez renié votre métier de combattant pour embrasser la profession de flic ... oui, colonel Godard, vous étiez né, élevé et grandi dans l'amour patriotique d'une nation civilisée et même civilisatrice, vous étiez destiné à jouer un rôle toujours grandissant dans l'armée en exposant votre vie, vos poitrines aux balles des Allemands, ou de toute autre nation, égale tout au moins à la vôtre, qui vous déclarerait là guerre. Jusqu'au jour où vous avez rejoint l'armée colonialiste, je n'ai rien à vous reprocher étant donné votre zèle et votre amour pour votre pays en le servant dans l'honneur et la gloire, et par tous les moyens appropriés ... Vous venez de ravaler votre honneur à celui d'un simple mouchard au service d'une poignée de colonialistes. Ce travail serait à l'honneur si c'était en France. dans votre propre pays que vous ayez accepté de nettoyer votre nation d'éléments tels que la Ve Colonne, avant la guerre de 1940. Les dirigeants de la D.S.P. et de ses subdivisions en France peuvent être demain des grands chefs respectés, honorés et glorifiés, car ils collaborent à la grandeur de leur nation. Mais vous, colonel Godard, que venez-vous faire dans cette galerie « d'ultras rebelles» à votre patrie même, vous Qui êtes né et élevé dans les principes de la révolution de 1789, vous souillez l'honneur d'une carrière déjà belle. »
Dernier voyage d'Amirouche
Amirouche voulait rétablir la primauté d'un gouvernement de « l'intérieur » sur celui de « l'extérieur » et souhaitait que le GPRA donne l'ordre de reprendre les assauts contre les barrages électrifiés afin de fixer le maximum de troupes françaises le long des frontières et alléger ainsi la pression sur les wilayas. Une importante réunion devait avoir lieu en Tunisie afin de prendre des décisions sur ces importantes questions.
Le 6 mars 1959, Amirouche se met en route pour Tunis, entraînant avec lui Si El Haouès, chef de la wilaya 6, escortés par le commandant Amor Driss, accompagnés par 40 djounouds. Ils sortent de Kabylie et passent vers le sud, entre Djelfa et Boussada avant de rejoindre la frontière tunisienne. Mais malheureusement pour lui, son itinéraire fut communiqué au commandement français par un opérateur radio aux ordres de Boussouf patron de la fameuse Sécurité militaire du FLN qui désirait se débarrasser de ces deux « contestataires » !
Le colonel Ducasse du 6e RPlMA, informé de l'itinéraire et des horaires, décide de leur tendre une embuscade entre le djebel Tsameur et le djebel Djininibia, à 75 kilomètres au sud de Boussada. Les quarante hommes de l'escorte résistent avec courage aux attaques de nombreux soldats français qui les encerclent. Les rebelles se cachent dans des grottes des falaises et il est impossible de s'approcher. Il faut faire venir la Légion, le 2e escadron du 1er régiment de spahis, et un régiment d'infanterie en renfort.
L'aviation et les canons des EBR Panhard pilonnent les grottes et, le 29 mars, les troupes qui s'avancent vers les centres de résistance ne découvrent que des cadavres dont ceux d'Arnirouche et de Si El Haouès.
La fouille des documents trouvés confirment que c'est bien Amirouche.
L'inventaire des musettes révèle l'état moral de la Wilaya. Mademba Sy et Bole du Chaumont trouvent même un million et demi en billets, somme qui trouvera place dans la caisse noire du régiment. Ducasse, ne veut croire que ce qu'il voit, avant de transmettre la nouvelle à Alger. Un hélicoptère Sikorsky H-19 se pose en fin d'après-midi, pour ramasser les corps « importants », ils seront présentés à la presse. Les survivants suivront. Ould Hammouda, cousin d'Amirouche, ramené de Tassaft, identifiera avec certitude le corps du colonel Amirouche, devant les journalistes.
L'examen des documents trouvés dans les musettes, révéla un certain état d'esprit régnant dans les Wilayas, fortement éprouvées par les opérations successives, sans avoir d'aide, ni soutien de la part des états-majors de l'ALN de Tunisie. Amirouche se permettait d'inciter le GPRA, à Tunis, à lancer des séries d'opérations en France, avec le soutien, la complicité, des « porteurs de valises ».
L'Algérie indépendante commémorera, 25 ans après, leur disparition, et donnera le nom d'Amirouche à un boulevard d'Alger.
Ils trouveront une sépulture définitive qu'en 1980 lorsqu'ils furent réinhumés dans le carré des martyrs à El-Alia.
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