vendredi 2 décembre 2011

youbassin

Taos Amrouche

La première romancière algérienne de langue française et une chanteuse berbérophone (1913-1976)

Née à Tunis en 1913, dans une famille kabyle originaire de la vallée de la Soummam (Ighil-Ali en Petite-Kabylie), Marguerite Taos Amrouche était la sœur de l'écrivain Jean Amrouche. Elle a été comme lui confrontée à la double culture berbère et française.

Leur famille s'est convertie au catholicisme et a adopté la langue française, langue qui sera celle de la romancière. leur mère, Fadhma Aït Mansour (1882-1967), élevée dans une des premières écoles de filles en Algérie a laissé des mémoires : Histoire de ma vie (1968, Maspero). Leur père, Belkacem Amrouche est originaire d'Ighik-Ali, un village de la Petite Kabylie. Confié aux Pères blancs, il avait été baptisé à l'âge de cinq ans. Il refuse d'épouser la fille du village qu'on lui avait promis. Il émigre avec Fadhma à Tunis où Belkacem trouve un emploi aux Chemins de Fer tunisiens.

Taos Amrouche était l'amie d'André Gide et de Jean Giono. Dans ses romans fortement autobiographiques, elle analyse son déracinement, l'exil, la solitude et exprime le besoin d'émancipation des femmes étouffées par la tradition. Elle a écrit quatre romans : Jacinthe noire (1947), Rue des tambourins (1969), L’amant imaginaire (1975) roman autobiographique, Solitude ma mère (1995) roman posthume, et un recueil de contes et de poèmes Le Grain magique (1966)

Taos Amrouche entreprend dès 1936, la collecte. des chants populaires berbères. Douée d'une voix exceptionnelle, elle interprète de très nombreux chants berbères, qu'elle tient de sa mère et se produit dans de nombreuses scènes. En 1967, elle obtient le Disque d’or. Taos Amrouche a surtout excellé dans l’opéra en langue amazighe, ce qui explique qu'elle fut largement ignorée par les autorités algériennes.

Elle a aussi fait une carrière de chroniqueuse à la radio, d'abord à Tunis, dès 1942, puis à Alger en 1944. Elle se marie avec le peintre Bourdil, dont elle a une fille, Laurence, devenue comédienne, et réside définitivement à Paris à partir de 1945. Elle a assuré à la radiodiffusion française une chronique hebdomadaire en langue kabyle, consacrée au folklore oral et à la littérature nordafricaine. Taos Amrouche est morte en 1976, elle repose à Enterrée à Saint-Michel-l'Observatoire, près de Paris.

jeudi 1 décembre 2011

Abrid Abrid par: Hmed Lehlu

 
Des civilisations entières sont faites de poésie. La notre ne démérite pas moins et Hmed le prouve avec justement force de poésie. Notre poète Hmed Lehlu transgresse les formes établies. Il les a bousculées pour libérer la poésie kabyle de ses anciens cadre rigides. Il se laisse guider par l'aventure intérieure de sa pensée jusqu'à épuisement de la voix des mots. Cette rébellion vis à vis des formes établies marque un tournant dans la production de genre littéraire. Pourtant des signes anciens de la poésie kabyle attestent déjà des poèmes à forme longue. Il y a donc comme un mélange de libération et de réappropriation de cette forme.
lorsque Hmed déclame sa poésie, on entend plus qu'une versification: un discours sur soit qui ne s'accommode guère des mesures syllabiques. La mesure est vite engloutie dans la profondeur de l'énoncé. Les mots s'engrangent et donnent le besoin de suivre l'aventure racontée par le poète.
La poésie chez Hmed Lehlu n'est pas refuge. Il la veut une piste menant l'objectif à bon port. Son poème Amessebrid est une révélation sur les capacités de la longue kabyle à dire le monde. Ce poème le hissera au premier rang et obtient ainsi le premier prix lors des journées de poésie amazigh en 2003. On peut nous aussi parler de l'égérie de Hmed Lehlu et revendiquer ainsi notre part dans l'interprétation du monde.
Abdennour Abdesselam
 
 Abrid Abrid - Isefra

Hmed Lehlu

Hmed Lehlu:premier prix de la poésie berbere en Algerie et président
des membres des jurés des concours de la poésie kabyle en Algerie.
Abrid
Abrid par: Hmed Lehlu (Takorabt): Des civilisations entières sont
faites de poésie. La notre ne démérite pas moins et Hmed le prouve avec
justement force de poésie. Notre poète Hmed Lehlu transgresse les
formes établies. Il les a bousculées pour libérer la poésie kabyle de
ses anciens cadre rigides. Il se laisse guider par l'aventure
intérieure de sa pensée jusqu'à épuisement de la voix des mots. Cette
rébellion vis à vis des formes établies marque un tournant dans la
production de genre littéraire. Pourtant des signes anciens de la
poésie kabyle attestent déjà des poèmes à forme longue. Il y a donc
comme un mélange de libération et de réappropriation de cette forme.
lorsque Hmed déclame sa poésie, on entend plus qu'une versification: un
discours sur soit qui ne s'accommode guère des mesures syllabiques. La
mesure est vite engloutie dans la profondeur de l'énoncé. Les mots
s'engrangent et donnent le besoin de suivre l'aventure racontée par le
poète. La poésie chez Hmed Lehlu n'est pas refuge. Il la veut une piste
menant l'objectif à bon port. Son poème Amessebrid est une révélation
sur les capacités de la longue kabyle à dire le monde. Ce poème le
hissera au premier rang et obtient ainsi le premier prix lors des
journées de poésie amazigh en 2003. On peut nous aussi parler de
l'égérie de Hmed Lehlu et revendiquer ainsi notre part dans
l'interprétation du monde.

asefru n hmed lehlu..poeme de ahmed lehlou



NEKWNI NEMYEHMAL
ma nekk yidem nemyehmal
nhemmel ddunit
lebghi-nnegh ur yuklal
ad yili diri-t
ur nerfid ccwal
ur ne3fis talwit
seg wass-n mi i nemlal
ula d akal ma nDurr-it
ma nekk yidem nemyehmal
i yebghun yili-t
ur nettagwad ahemmal
imi d asif nezger-it
wamma yir awal
d bab-is i yetcemmit
............................................hmed lehlu

L'histoire de la Numidie


L'histoire de la Numidie

La Numidie est un ancien royaume de l'Afrique septentrionale, correspondant à l'Algérie; la Mulucha (Moulouia) le séparait de la Maurétanie à l'Ouest; le Tusca (ruisseau de Tabarka), du territoire carthaginois, qui forma ensuite la province d'Afrique (aujourd'hui Tunisie). Au Sud, la région saharienne était occupée par les Gétules. Les Numides, dont les descendants sont les Kabyles, étaient divisés en tribus, dont les deux principales étaient, au IIIe siècle, les Massyli et les Massaesyli, formant deux royaumes séparés par l'Ampsaga (oued el-Kebir, entre les Sept Caps [Seba-Rous] et Djidjelli); les premiers à l'Est., les seconds à l'Ouest. Le nom de Numides dérive du mot nomade et fut donné par les Grecs. La cavalerie excellente de ces peuples était leur principale force militaire. Ils ignoraient encore le chameau, qui ne fut introduit qu'à l'époque des Ptolémées, et d'abord vers la Cyrénaïque, mais ils possédaient l'éléphant, qu'ils domestiquaient, chassaient la gazelle, l'âne sauvage, l'autruche, le lion, très abondants. Les principales ressources végétales étaient l'olivier, l'oranger, le ricin arborescent, le dattier. Les marbres veinés de Numidie furent les plus recherchés à l'époque impériale.
Les Numides subirent la domination des Carthaginois, qui avaient été d'abord leurs tributaires à leur arrivée en Afrique. Ils échouèrent dans plusieurs tentatives pour secouer ce joug, et furent forcés de servir dans les armées de Carthage. L'intervention des Romains dans la lutte entre Syphax, roi des Massésyliens, et Masinissa, roi des Massyliens, amena, en 203 av. J. C., le triomphe de ce dernier, qui demeura roi de toute la Numidie, et eut pour successeur son fils Micipsa, en 148. Jugurtha, que Micipsa, son oncle, avait institué son héritier conjointement avec ses deux fils, Adherbal et Hiempsal, fit périr ces deux princes et s'empara du royaume. Il soutint contre les Romains, par son or et par ses armes, une guerre mémorable, et leur fut livré en 106 par son beau-père Bocchus, roi de Maurétanie, qui reçut en récompense de cette trahison le pays des Massésyliens. Cette partie occidentale de la Numidie fut réduite en province romaine en 42. Une portion de la Numidie orientale fut réunie à l'Afrique propre, et deux petits-fils de Masinissa, Hiempsal Il et Mandrestal, régnèrent sur les restes de la contrée. Ils eurent pour successeur Juba, fils de Hiempsal, qui prit parti pour Pompée contre César, et fut vaincu par ce dernier à Thapse, en 40. Son royaume devint une province romaine. Tacfarinas, chef numide, se souleva, en 17 de notre ère, contre la domination de Rome; mais il fut défait et tué dans une bataille en 24.

A l'époque romaine, quand la région occidentale fut rattachée à la Maurétanie et la Numidie réduite au pays des Massyli, les principales villes furent : avec la capitale Cirta (Constantine), son port de Rusicade (auj. Skikda), Hippo Regius (près d'Annaba), Tabraca (Tabarka), Theveste (Tebessa), Lambaesa, Thamucadis (Timgad), Bulla Regia, sur le Bagradas (Medjerda), Sicca Veneria (le Kef), etc.

Entre Carthage et Rome
Au IIIe siècle avant notre ère, la cavalerie numide faisait la force des armées carthaginoises, et le contingent commandé par le métis Mutines faillit enlever la Sicile aux Romains. A cette époque, le roi des Massyliens était Gala, voisin et allié de Carthage; le roi des Massaesyliens, Syphax, s'était, au contraire, rapproché de Rome. Masinissa, fils de Gala, fut, en 213, chargé de combattre Syphax, le vainquit et l'obligea à se réfugier chez les Maurétaniens, l'empéchant d'exiler les Romains en Espagne. Lui-même y passa avec ses cavaliers numides (212). On l'y retrouve en 209 et en 206 à la bataille de Silpia où Scipion écrasa l'armée carthaginoise d'Hasdrubal, Giscon et Magon. Le prince numide négocia alors avec le vainqueur, eut une entrevue personnelle avec Scipion et s'engagea à lui prêter son concours pour une invasion en Afrique. Cette défection fut, dit-on, motivée par un manque de parole d'Hasdrubal, qui avait promis à Masinissa la main de sa fille, la belle Sophonisbe, et qui la donna à Syphax pour le gagner; mais il se pourrait que cette rupture fût postérieure à l'entente secrète de Masinissa et de Scipion.

Quoi qu'il en soit, le premier demeura en apparence fidèle à ses alliés. Sur ces entrefaites, son père, étant mort, avait eu pour successeur, selon l'usage numide, le mâle aîné de la famille, son frère Oesalcès, oncle de Masinissa, lequel mourut bientôt et fut remplacé par son fils, le faible Capusa, lequel fut évincé au profit de son frère, le jeune Lacumacès, sous le nom duquel le pouvoir fut exercé par un chef du nom de Mezetulus. Masinissa revendiqua la couronne, sollicita vainement l'appui de Bocchar, roi de Maurétanie, et n'en vainquit pas moins ses concurrents. Mais à peine était-il établi qu'il fut attaqué par Syphax et trois fois de suite complètement défait et réduit à se cacher. Il errait sur la côte avec une bande de maraudeurs quand Scipion débarqua (204). Il ne lui rendit pas moins de signalés services, embaucha des cavaliers numides, défit Hannon, fils d'Hamilcar, et eut une grande part à la décisive attaque de nuit qui dispersa les forces d'Hasdrubal et de Syphax.

Masinissa, intimement lié avec Scipion et Laelius, révéla des qualités militaires remarquables, une énergie à toute épreuve, une fidélité qui ne se démentit jamais. Après une seconde défaite de Syphax et Hasdrubal, il reconquit son royaume; un retour offensif de Syphax fut repoussé et le roi fait prisonnier. Sa capitale, Cirta, fut prise avec ses trésors et sa femme, la belle Sophonisbe. Celle-ci était toujours aimée de Masinissa; mais le général romain, redoutant l'influence de la fille d'Hasdrubal, mit l'amoureux en demeure de choisir, et Masinissa invita Sophonisbe à s'empoisonner. En récompense, il obtint les honneurs royaux. Hannibal, revenu en Afrique, fit une tentative pour le ramener à lui, mais sans y parvenir. Masinissa assistait à la bataille de Zama, avec 6000 fantassins et 4000 cavaliers, et commandait la cavalerie de l'aile droite; après avoir mis en fuite les cavaliers numides, qui lui étaient opposés, il revint prendre à revers l'infanterie d'Hannibal et eut part au choc qui décida de la victoire. A la paix, il obtint non seulement la protection romaine et ses anciens États, mais encore la plus grande partie de ceux de Syphax (201).

A partir de ce moment, le redoutable chef régna pendant cinquante années sur la Numidie. Son objectif constant fut l'annexion des fertiles territoires carthaginois, en particulier de l'Emporia (Tunisie centrale, Sahel de Sfax-Sousse). Les querelles étaient portées à Rome dont les Carthaginois invoquaient l'autorité pour faire observer le traité, mais qui favorisait en sous main les agressions numides. Masinissa fournissait des auxiliaires commandés par son fils Misagènes, des cavaliers, des éléphants, du blé pour les guerres de Macédoine et d'Asie. Enfin, en 150, on en vint à un conflit, le parti favorable aux Numides fut exilé de Carthage par les démocrates; Ie roi prépara la guerre; une ambassade envoyée par lui, avec ses deux fils Micipsa et Gulussa, ne fut pas reçue et même fut attaquée au retour. Masinissa vint assiéger Orocaspa. Hasdrubal lui livra bataille sans résultat.

Le jeune Scipion Emilien, venu visiter Masinissa, s'interposa sans pouvoir réconcilier les ennemis, Carthage ayant refusé de livrer les déserteurs numides. Hasdrubal fut cerné, obligé de capituler, et une grande partie de ses soldats furent égorgés au mépris du pacte, Ce fut alors que les Romains intervinrent pour consommer la ruine de la cité rivale (149). Les négociations conduites par eux avec une perfidie insigne désarmèrent Carthage, sans lui laisser d'autre issue qu'une résistance désespérée. Masinissa s'abstint au début de la troisième guerre punique, inquiet de voir les Romains opérer pour leur propre compte et peu soucieux du redoutable voisinage qu'allait procurer à son royaume leur installation permanente en Afrique. Il mourut plus que nonagénaire au moment où une ambassade romaine venait le mettre en demeure d'envoyer ses auxiliaires. Jusqu'à la fin, il avait conservé son activité physique et marché lui-même à la tête de ses troupes. Des 54 fils qu'il avait eus de ses femmes ou concubines, trois seulement survivants ont joué un rôle, Micipsa, Mastanabal et Gulussa. A son lit de mort, le vieux monarque avait mandé Scipion Emilien, le chargeant de régler sa succession (148).

La geste de Jugurtha

Le fils aîné, Micipsa, eut Cirta et les trésors paternels; la mort de ses frères le laissa bientôt seul roi de la Numidie agrandie jusqu'aux Syrtes après la chute de Carthage. Il fut fidèle à l'alliance romaine, envoya des auxiliaires pour les guerres d'Espagne, notamment contre Viriathe (142) et contre Numance. En 125, une peste ravagea la Numidie et fit périr 800 000 personnes. Micipsa, comme ses frères, était fort cultivé, s'entourant de lettrés et savants grecs; il embellit beaucoup sa capitale, A sa mort (118), il laissa son royaume à ses fils légitimes. Adherbal et Hiempsal et à son neveu Jugurtha, qu'il avait adopté. Il restait encore un fils de Gulussa, du nom de Massiva, et un autre fils de Mastanabal, du nom de Gauda, qui fut désigné comme héritier à défaut des trois premiers princes. De ceux-ci, le plus remarquable était Jugurtha, fils d'une concubine de Mastanabal; son grand-père Masinissa l'avait tenu à l'écart, mais le doux Micipsa l'adopta et l'associa à ses fils Adherbal et Hiempsal. Jugurtha, très brave et habile aux exercices physiques, était populaire parmi les Numides; il commanda brillamment le corps auxiliaire envoyé à Scipion contre Numance. Dès que Micipsa fut mort, la brouille éclata entre Jugurtha et ses cousins, surtout le plus jeune, le bouillant Hiempsal. On était convenu de partager le royaume et les trésors, mais pendant les pourparlers Hiempsal, logé à Thirmida chez un serviteur de Jugurtha, fut assassiné. Adherbal prit les armes, mais fut battu et se réfugia dans la province romaine d'où il gagna Rome afin de plaider sa cause devant le sénat.

Jugurtha, qui avait vécu devant Numance avec les nobles romains et savait leur corruption, expédia des ambassadeurs qui, par des présents bien distribués, calmeront l'indignation des sénateurs. Ils décidèrent de partager la Numidie entre les deux compétiteurs et en chargèrent une commission qui vint en Afrique. Jugurtha la corrompit et se fit adjuger la portion occidentale, la plus vaste (117). Il ne retarda pas à reprendre ses tentatives pour devenir maître de tout. Adherhal supportant sans répondre ses agressions, il finit par envahir son royaume; vainqueur, il le bloqua dans Cirta. Une ambassade romaine arriva pour ordonner la paix; Jugurtha la renvoya avec de belles paroles et de l'argent et reprit le siège. Une seconde ambassade survint, dirigée par M. Aemilius Scaurus; elle se laissa berner, et quand elle fut partie la garnison de Cirta capitula sur la promesse d'avoir la vie sauve : ce qui n'empêcha pas Jugurtha de faire aussitôt massacrer Adherhal et sa suite (112). C'était trop compter sur la longanimité romaine; le tribun C. Memmius porta la question devant le peuple et la guerre fut déclarée.

Le consul L. Calpurnius Bestia débarqua en Afrique et envahit la Numidie; Jugurtha l'acheta, ainsi que M. Scaurus, son lieutenant, et en obtint une paix favorable (111). L'irritation redoubla à Rome et l'intègre préteur L. Cassius fut dépêché au roi pour le sommer de venir à Rome se justifier. Il déféra à l'invitation, mais acheta un tribun de la plèbe qui, lorsqu'il parut devant l'assemblée du peuple, lui défendit de parler. Il resta à Rome, continuant ses intrigues, et eut fini probablement par s'en tirer, s'il n'avait eu l'audace de faire assassiner son cousin Massiva, fils de Gulussa, qui, allié d'Adherbal, s'était réfugié à Rome, où il briguait le trône de Numidie (110). L'agent du crime, Bomilcar, fut mis en accusation, et Jugurtha reçut l'ordre de quitter l'Italie. A son départ de Rome, il s'écria, dit-on :

« Ville vénale qui périrait vite s'il se trouvait un acheteur! »
Le consul Sp. Postumius Albinus, protecteur de Massiva, fut chargé de la guerre; il ne fit rien, et son frère Aulus, qui le suppléait en son absence, laissa surprendre et battre son armée près de Suthul; une partie passa sous le joug. Le traité consenti par Aulus fut, annulé par le sénat, et le consul désigné, Q. Caecilius Metellus, envoyé en Numidie (109). La campagne fut bien conduite, Jugurtha battu, mais Metellus ne put prendre Zama. Suivant la méthode romaine, il négocia, augmentant à mesure ses exigences, et, lorsque Jugurtha eut livré ses éléphants et une grande partie de ses armes et de ses chevaux, l'invita à se livrer lui-même. Le roi reprit la lutte, déjoua le complot de Bomilcar et Nabdalsa, deux de ses fidèles gagnés par l'ennemi, et qu'il fit tuer. Dès lors il n'eut plus confiance en personne et beaucoup de ses adhérents furent immolés à ses soupçons. Il se retira vers le désert, où Metellus lui enleva sa place forte de Thala, mais obtint l'alliance de Bocchus, roi de Maurétanie (108). Marius réussit alors à se faire donner le commandement aux lieu et place de Metellus (107). Il mena vivement la guerre, emporta toutes les forteresses du roi numide et conquit ainsi tous ses trésors. Désespérés, Jugurtha et Bocchus tentèrent une surprise, mais furent complètement défaits. Jugurtha fut livré à Sylla, questeur de Marius, par son allié au début de l'an 106. Il figura au triomphe de Marius le 1er janvier 104, puis fut étranglé dans son cachot. Ses deux fils furent internés à Venouse. L'histoire de ce cruel et rusé personnage nous a valu le chef-d'œuvre de Salluste.


Les ruines romaines de Timgad.
Numidia propria
L'héritier du trône était le faible Gauda qui avait épousé la cause des Romains et s'était attaché à Marius. Il eut probablement pour sa part la Numidie orientale, l'ancien royaume des Massaesyli étant cédé à Bocchus et annexé à la Maurétanie. On peut supposer que le roi Hiempsal, dont il est question ensuite, était le fils de ce Gauda, bien qu'une inscription le présente comme petit-fils de Masinissa et en fasse un fils de Gulussa. Quoi qu'il en soit, cet Hiempsal régnait en Numidie à l'époque de la guerre civile entre Marius et Sylla, et il se prononça contre les Marianistes (88). Il fut, en raison de cette attitude, renversé par Cn. Domitius Ahenobarbus, qui lui substitua Hiarbas. Mais après le triomphe des Sullaniens, Pompée vint en Afrique écraser Domitius et restaurer Hiempsal (84), lequel vivait encore en 62. Salluste parle de ses ouvrages en langue punique.

Il eut pour successeur son fils Juba, qui était venu à Rome en 62 pour plaider la cause de son père contre un Numide du nom de Masintha et eut à ce sujet une violente discussion avec César, alors préteur. Le royaume de Numidie s'étendait sur une grande partie des tribus gétules du désert. Juba, dans la guerre civile, resta fidèle à Pompée, d'autant plus que le tribun césarien Curion avait en 50 proposé de réduire son royaume en province. Quand ce même Curion débarqua en Afrique l'année suivante avec deux légions, Juba accourut au secours du général pompéien P. Attius Varus. Celui-ci avait été battu et rejeté sur Utique, mais Juba infligea une défaite sanglante à Curion qu'il avait su attirer sur les bords du Bagradas; il resta sur le champ de bataille avec toute son infanterie; les cavaliers survivants se rendirent à Varus, mais furent passés au fil de l'épée par ordre de Juba. Le sénat pompéien lui décerna les honneurs royaux; César et son sénat le déclarèrent ennemi public. Ce fut en Afrique que se réfugièrent après Pharsale les chefs de la noblesse, à leur tête Scipion et Caton. En 46, César les y poursuivit ; en même temps, Bocchus, roi de Maurétanie, renforcé par un aventurier du nom de P. Sittius, qui s'était mis au service de César, avec la bande réunie par lui, envahit la Numidie et prit Cirta. L'arrogance du roi blessait vivement ses alliés romains, et ni ses éléphants ni sa cavalerie ne leur furent d'un grand secours. Les Gétules, qui avaient conservé le souvenir de Marius, passèrent du côté de César. Juba et Labienus furent d'abord battus dans un combat de cavalerie. Après la déroute de Thapsus, la forte place de Zama, où le roi avait abrité sa famille et ses trésors, lui ferma ses portes. Quand il apprit le suicide de Caton à Utique et la défaite de son général Saburra, qu'il avait opposé à Sittius, lui-même se donna la mort avec son compagnon romain Petreius.

La Numidie fut alors réduite en province romaine sous le titre de Numidia propria on de Nova Africa, et l'historien Salluste chargé de l'administrer comme préfet avec pouvoir proconsulaire. Dion Cassius l'accuse d'avoir surtout pillé. La province fut d'ailleurs démembrée pour récompenser le concours de Sittius, qui reçut Cirta, et du roi de Maurétanie, qui reçut le pays jusqu'à Saldae (Bejaia) ou même jusqu'à l'Ampsaga. Tous deux y furent tenus en échec par un chef numide du nom d'Arabion. Lors du partage du second triumvirat, l'Afrique fut assignée à Octave (43). T. Sextius, ancien Légat de César, gouvernait la Nouvelle Afrique. Il guerroya contre Q. Cornificius et Laelius qui tenaient l'ancienne Afrique au nom du parti républicain; il les défit et les fit périr. Mais alors il fallut remettre les deux provinces à Lépide auquel les attribuait le nouveau partage fait entre les triumvirs après la bataille de Philippes. Elles revinrent à Octave en 36. Quand il fut seul maître, il rendit au jeune Juba Il, fils du premier Juba, le royaume de Numidie. Elevé en Italie, celui-ci avait été le compagnon d'Auguste qui lui fit épouser Séléné, fille de Marc-Antoine et de Cléopâtre, En l'an 23, Juba II échangea la Numidie contre la Maurétanie, l'empereur lui attribuant le double royaume de Bogud et de Bocchus.

La Numidie fut définitivement réduite en province romaine. Elle fut adjointe à l'Afrique, formant une province sénatoriale et proconsulaire, qui s'étendit de Saldae à l'autel des Philènes aux limites de la Cyrénaïque. A Lambèse fut campée une légion (Tertia Augusta), noyau de la défense militaire de l'Afrique. Au temps de Caligula, on sépara l'autorité civile du commandement militaire confié à un légat qui parait bien avoir administré sous l'empire la province de Numidie, séparée de celle d'Afrique par le Tusca sur la côte Nord et le fossé de Scipion à Thenae (entre Sfax et Maharès) sur la côte Est. A l'Ouest, la frontière avait été rapprochée par l'extension de la Maurétanie jusqu'au cours de l'Ampsaga au moment où Caligula en fit une province romaine.

A l'époque de Dioclétien, la Numidie était à peu près réduite à l'actuelle wilaya de Constantine, par la formation des nouvelles provinces de Byzacène et Tripolitaine. Dans l'intervalle, son histoire avait été celle de l'Afrique romaine, très prospère, à peine troublée par quelques insurrections de tribus natives et la guerre civile des Gordiens (238). Au IVe siècle, les troubles s'aggravent, le schisme des donatistes, celui des circumcellions, devaient s'appuyer sur des éléments indigènes. La conquête vandale de 429 à 439 (Genséric) fut marquée par de cruels ravages; elle désorganise le pays et les Maures, ruinent les villes de l'intérieur. Les Byzantins luttent contre les Berbères jusqu'au moment où la conquête arabe efface jusqu'au nom de Numidie. (A.-M. B.).


kahina


Kahena[1] (signifiant prêtresse), de son vrai nom Dihya ou Damya (en tifinagh ⴷⵉⵃⵢⴰ), est une reine guerrière berbère zénète des Aurès qui combattit les Omeyades lors de l'expansion islamique en Afrique du Nord au VIIe siècle. Plusieurs femmes ont écrits des romans sur la Kahina au XXe siècle et plusieurs penseurs disent que c'est une des premières féministes du Moyen Âge[2] et une des première reine guerrière de l'Histoire.

À l'aube de l'arrivée des Omeyyades en Afrique du Nord, l'unité politique et administrative de la Berbérie Orientale et Centrale (les Aurès, actuelle Algérie) était en grande partie réalisée par Kusayla.[3]. À son décès en 686, Dihya prend la tête de la résistance. Issue de la tribu des Djerawa, une tribu berbère zénète de Numidie, elle aurait été élue ou nommée à cette charge par le conseil d'une confédération de plusieurs tribus. Dihya procéda ainsi à la réunification de nombreuses tribus de l'Afrique du Nord orientale et du Sud. Elle défait par deux fois la grande armée des Omeyyades grâce à l'apport des cavaliers des Banou Ifren. Elle règne sur tout l'Ifriqiya pendant cinq années. Vaincue dans la dernière bataille contre les Omeyyades, réfugiée dans l'Amphithéâtre d'El Jem, sa tête est envoyée en trophée au calife musulman.[4] Dihya sera la seule femme de l'histoire à combattre l'empire omeyyade[5]. Les Omeyyades demandent aux Zénètes de leur fournir douze mille hommes de combat pour la conquête de l'Andalousie comme condition à la cessation de la guerre[6]. L'intervention de Musa ben Nusayr règle le problème avec les Berbères en nommant Tariq ibn Ziyad (zénète de la tribu des Nefzaouas) à la tête de l'armée zénète et des autres Berbères.[7]. Son fils devient gouverneur de la région des Aurès et par la suite sa tribu aura un pouvoir lors des Zirides dans les Aurès. Une statue a été faite à l' effigie de la reine berbère dans la Wilaya de Khenchela en 2003.

Récits médiévaux [modifier]
Selon l'historien arabe Ibn Khaldoun, à la veille de la conquête musulmane du Maghreb, plusieurs tribus berbères pratiquaient le judaïsme[8] :

« Une partie des Berbères professait le judaïsme, religion qu'ils avaient reçus de leurs puissants voisins, les Israélites de la Syrie. Parmi les Berbères juifs, on distinguait les Djeraoua, tribu qui habitait l'Auras et à laquelle appartenait la Kahena, femme qui fut tuée par les Arabes à l'époque des premières invasions. Les autres tribus juives étaient les Nefouça, Berbères de l'Ifrikïa, les Fendelaoua, les Medîouna, les Behloula, les Ghîatha et les Fazaz, Berbères du Maghreb-el-acsa. »
Kahena était réputée user de pouvoirs magiques : « Hassan accorda au fils de la Khahina le commandement en chef des Djerawa et le gouvernement du Mont Awres, il faut savoir que d'après les conseils de cette femme, conseils dictés par les connaissances surnaturelles que ses démons familiers lui avaient enseignées, ses deux fils s'étaient rendus aux Arabes avant la dernière bataille »[9].

Parmi les tribus berbères pratiquant le judaïsme Ibn Khaldoun distinguait :

les Djeraoua (ou Dejrawa), tribu qui habitait les Aurès et à laquelle appartenait Kahena ;
les Nefousas (ou Nefzaouas), des berbères de l'Ifriqiya ;
les Fendelaoua, les Medîouna, les Behloula, les Ghîatha et les Fazaz, Berbères du Maghreb-el-acsa (nom arabe correspondant au Maroc).
Parmi ces tribus originaires de l'actuelle Tunisie (ancienne Ifriqiya), des Aurès et de l'actuel Maroc, la tribu des Dejrawa est une des plus puissantes de la confédération des Zénètes[8].

La conquête de l'Afrique du Nord est décidée par le chef de la dynastie omeyade, Muawiya. À l'aube de l'arrivée des Omeyades en Afrique du Nord, l'unité politique et administrative de la Berbérie Orientale et centrale (les Aurès, actuellement à l'est de l'Algérie et de la Tunisie) était en grande partie réalisée par Kusayla. Par la suite, Kusayla entre en conflit avec Oqba Ibn Nafi Al Fihri. Après la mort de Kusayla en 688, Dihya prend la tête de la résistance. Elle commande la tribu des Dejrawas pendant soixante-cinq ans. Ad Darisi prétend que Dihya a vécu cent vingt sept ans et a gouverné l'Ifriqiya pendant cinq années[8] Dihya ordonne la mort de Oqba Ibn Nafi Al Fihri. Les Berbères Tahuda exécutent l'ordre de tuer Oqba Ibn Nafi Al Fihri. La guerre se déclenche entre les Berbères et les Omeyades. La tribu berbère des Banou Ifren Zénète sera la première tribu à défendre les territoires au côté de la Kahina [10]. Alors, Dihya sort triomphante de cette guerre. Ensuite, Hassan demande alors les renforts musulmans. En 693, l'armée consolidée d'Hassan écrase les troupes berbères commandées par Dihya. Par la suite, les Zénètes sont invités à former une armée sous le commandement de Tariq ibn Ziyad pour conquérir l'Andalousie. Le fils de la Kahina obtient la gouvernance des Aurès.[11].

Parcours [modifier]
Alors que les musulmans ont déjà conquis un vaste territoire ils butent sur la résistance des byzantins (chrétiens), implantés essentiellement sur les côtes et en particulier à Carthage et Septum, mais aussi celle des Berbères. Les troupes musulmanes dirigés par Hassan Ibn Numan cherchaient à s'emparer de Carthage pour posséder l'Ifriqiya et se frayer un chemin vers l'Ouest. Le roi Kusayla, les Carthaginois et Dihya se liguèrent pour empêcher ce passage. Carthage finit par tomber aux mains des troupes musulmanes en 695 et Hassan Ibn Numan se fait nommer gouverneur d'Ifriqiya. L'empereur Leonitos récupère Carthage pour trois ans. La seule résistance qui demeurait alors était celle de Dihya. Hassan demandera les renforts musulams. En 693, Après le renforcement des troupes musulmanes, Hassan écrasera les troupes berbère commandés par Dihya.

À la première bataille, Dihya remporte une victoire sur les troupes d'Ibn Numan à Miskyana (entre Tebessa et Aïn Beïda, dans la région constantinoise) Dans la vallée déserte et asséchée, Dihya décide de dissimuler son armée pendant la nuit, en partie dans la montagne, en partie derrière, sa cavalerie et ses troupeaux de chameaux, pour prendre en embuscade les troupes d'Ibn Numan. Lorsque les Arabes attaquent, ils sont accueillis par une pluie de flèches tirées entre les jambes des chameaux des Berbères. Les Arabes écrasés, les Aurésiens les poursuivent jusqu'à Gabès. Dihya vient de remporter sa plus prestigieuse victoire, celle de la Meskiana, qu'on appellera « La bataille des chameaux », et parvient ainsi à repousser les troupes du Calife jusqu'en Tripolitaine. Ibn Numan sera à nouveau battu en 695 près de Tabarqa par Dihya.

Ibn Numan reporte ses efforts sur Carthage en 699, qu'il reprend, avec la maitrise des mers et du bassin occidental de la Méditerranée. Il demande alors un supplément d'hommes au calife Ibn Marwan pour s'attaquer aux Aurès qui constituent un ultime bastion. Sachant sa défaite imminente, Dihya fait pratiquer la politique de la terre brûlée en vue de dissuader l'envahisseur de s'approprier les terres, s'aliénant par là une partie de son peuple : citadins berbères sédentaires, nomades des campagnes.

Dihya s'engage une dernière fois dans la bataille en 702 à Tabarqa. La défaite des troupes de Dihya est en partie due à la trahison par Khalid, jeune Arabe que la reine avait épargné et adopté selon la coutume de l'anaïa (protection) en vigueur chez les anciens Berbères [12].

Constatant que tout est perdu, Dyhia envoie ses deux fils, Ifran et Yezdia, se rendre auprès d'Hassan[13],[14] . Elle continua de combattre mais, trahie, elle fut capturée[13]. Puis, elle aurait été décapitée dans les environs d'El-Djem et sa tête remise au calife[13]. Suite à cette victoire, Hassan réclame 12 000 cavaliers aux Berbères dont il confie le commandement aux deux fils de Dyhia, il leur attribue aussi le gouvernement du mont Aurès[14].

Divergences historiques [modifier]
Le rôle joué par Dihya a constitué un enjeu considérable pour ses commentateurs. Les sources que nous avons sur Dihya, symbole de la résistance à l'expansion musulmane, proviennent en grande partie des historiens musulmans. C'est donc pour certains d'entre eux, sur des arrière-pensées et vues politiques que sont basées leurs affirmations. Cela est d'autant plus difficile à vérifier que les sources diverses sont rares.

Nom [modifier]
Dihya fille de Matya fils de Tifane.

Cet élément est l'objet de nombreuses interprétations, ainsi le surnom de Kahina signifierait en un sens « sorcière », car décrite comme haïssable par certains historiens musulmans tels Ibn Ben Attir et Le Bayan. Ce sens n'est pourtant probablement pas péjoratif, puisqu'à l'origine il dérive de l'hébreu Kohen qui signifie prêtre et du grec être pur. Ces mêmes historiens rapportent que son vrai nom serait Dihya.

De même le surnom Damya, dérivé du verbe amazigh edmy signifie « devineresse », « prophétesse ». Dihya, en berbère signifie « la belle ». Elle fut souvent appelée « Reine Dihya Tadmayt » ou simplement « Tadmut » c'est-à-dire la belle Reine gazelle.

Religion [modifier]
Sur la religion de cette Berbère, d'origine noble et descendante d'une longue lignée royale des Aurès, les sources historiques apportent des témoignages bien divergents.

Ibn Khaldoun ne cite nullement que Dihya avait une quelconque religion et réfute les thèses dans les quelles on trouve que les Zénètes descendent de Goliath ou en arabe Djallut. Ibn Khaldoun, en citant ses sources, donne son accord à la version d'Ibn Hazm que, d'après lui, est la plus logique. Cette version consiste à dire que Dihya descend des Zénètes et a comme ancêtre Medghassen[15] , [16] Ibn Khaldoun ajoute, selon les propos des Zénètes, que les Zénètes avaient un prophète du nom de Moussa Ibn Salih. Mais, lors de l'époque romaine et byzantine, les Zénètes étaient chrétiens. Les Zénètes et le reste des Berbères ont pris part aux troupes de Grégoire pour combattre les musulmans[17]. Ibn Khaldoun nomme sa source Hani b. Bakur Ad Darisi. Ce dernier, donne les renseignements sur la vie de Dihya et il ajoute un point que Dihya avait des démons qui lui dictait des prédictions.

C'est Ibn Khaldoun, réputé l'un des historiens le plus sérieux du Moyen-Âge, qui raconte que sa tribu était de confession Juive « Parmi les Berbères juifs, on distinguait les Djeraoua, tribu qui habite l'Aurès, et à laquelle appartient la Kahena ». Et, il rajoute que la Kahina possédait des pouvoirs surnaturels.

Selon l'historien et géographe français, le professeur Émile-Félix Gautier : « Les Djeraouas ne sont plus des chrétiens comme les Aurébas, mais bien des juifs ». Auparavant, Strabon avait témoigné à l'époque romaine que les juifs étaient nombreux en Afrique du Nord. Certains y étaient venus librement au fil des siècles avec les phéniciens, dès le temps des Carthaginois, tandis que d'autres y avaient été déportés par Trajan, après avoir tenu tête en Cyrénaïque aux légions romaines. Ainsi avaient-ils participé à la conversion de nombreuses tribus berbères.

Certains (c'est le cas de Gabriel Camps dans son livre Berbères - Au marges de l'histoire) pensent que Dihya était chrétienne parce qu'elle était la fille de Matya lui-même fils de Tifan. Des noms qui seraient les déformations de Matthieu (comme l'Apôtre) et Théophane (repris par de nombreux Saints chrétiens). Aussi le christianisme était largement répandu, une grande partie des populations berbères du nord avaient été christianisés sous l'empire romain.

D'autres laissent entendre que Dihya aurait pû être animiste sans pouvoir pour autant préciser de quel culte il s'agirait, les Berbères ayant été païens avant l'arrivée du christianisme. Ainsi, la signification prêtresse et être pure de son nom Kahena, correspondrait à une tradition animiste en Afrique du Nord, selon laquelle les prêtresses subiraient un rituel de purification.
En prenant pour exemple la reine touareg Tin Hinan que l'on supposait, de la même manière, chrétienne, alors que la découverte récente de son tombeau laisse penser qu'elle était animiste[réf. nécessaire].

Selon certains historiens, elle serait juive, issue de la tribu des Dejrawa. Selon les dernières recherches[réf. nécessaire] effectuées notamment à l'université de Cambridge autour des manuscrits découverts à la Guenizah du Caire (découverts au début du XXe siècle et analysés depuis l'an 2000), le père de la reine Kahena s'appelait Matthias, dérivatif de Matthatias, en hommage au prêtre juif qui a bouté les Séleucides de Judée en -165 (commémoré par la fête de Hanoucca) et qui était le père de Judas Macchabée. Certaines tribus berbères étaient bien judaïsées comme le prouvent les lettres manuscrites retrouvées au Caire[réf. nécessaire], mais ils gardaient les traditions animistes, voire plutôt superstitieuses des temps anciens, comme la main ou le chiffre 5 pour se protéger du mauvais œil.[réf. nécessaire].

Politique de la terre brûlée [modifier]
L'historiographie a également mis l'accent sur la politique de la terre brûlée qui aurait été pratiquée sous la Kahena, d'après Ibn Khaldoun[réf. nécessaire], E.F Gautier, Ibn El Athir et Le Bayan, ce qui aurait motivé le mécontentement des cultivateurs de la côte. Cette version est contestée par certains selon lesquels, il se serait agi, pour les historiens musulmans, de discréditer la reine berbère hostile à l'expansion musulmane : des villes et des villages auraient certes effectivement été brûlés, mais cela s'expliquerait non par l'invasion arabe, mais par le fait que l'Afrique du Nord, depuis la chute de l'empire romain d'Occident, était le théâtre d'affrontements entre Byzantins et autochtones, voire entre Berbères nomades et sédentaires.

Archéologie [modifier]
En Algérie, dans la région des Aurès, aucune étude sérieuse n'a été entreprise à ce jour. Mais depuis 2006, les autorités algérienne affirment entreprendre des recherches[18]. En Tunisie, le seul endroit qui témoigne de l'existence de cette femme est l'amphithéâtre d'El Djem[19]. Le château de la Kahina est en péril dans la wilaya de Khenchela, pourtant classé monument du patrimoine national, ce que déplorent les spécialistes algériens sur place[20].

Postérité [modifier]
Une seule statue est construite à la mémoire de cette femme au Maghreb par l'association Aurès El - Kahina. Le président algérien l' a inauguré en février 2003 au centre ville de Baghaï, ville antique dans la wilaya de Khenchela. Khenchela, est le nom que portait la fille de la reine berbère Kahina.

Tradition orale [modifier]
Entre l'antique Thevest romaine (aujourd'hui Tebessa) et l'agglomération de Bir El Ater se trouve un puits appelé « Bir el kahina » (le puits de la kahina), en référence ou en souvenir du lieu où elle aurait été tuée. À Baghaï, actuellement petit village à une vingtaine de kilomètres de Khenchela, les habitants désignent certaines ruines anciennes comme étant les ruines du « palais de la Kahina ».
Le nom de la rivière Meskian, où Kahina remporta sa première victoire contre le général Ibn Numan, ainsi que celui du village de Meskiana qu'elle traverse, viendrait des mots berbères Mis n Kahina qui signifie « les fils de Kahina ».
Certains berbères chaouis des Aurès disent qu'ils ont le « nez de la Kahina » qui d'une grande beauté aurait eu, un peu comme Cléopâtre, un nez particulier, mais cette fois non pas long mais doté d'une petite bosse.
Dans toute la region des Aurès, le nom Diyya est assez courant chez les chaouis. Aussi, le personnage historique de Dihya est devenue de nos jours un symbole, aux côtés de Massinissa et de Jugurtha, etc. La tradition orale des chaouis ne donne pas beaucoup de renseignements précis sur tout le parcours historique de la Kahina ni même sur sa tribu des Dejrawa. Mais elle reste la reine des chaouis.

Jeunesse durant la Deuxième Guerre punique


Massinissa, est un roi Amazigh et le premier roi de la Numidie unifiée. Son nom a été retrouvé dans son tombeau à Cirta, l'actuelle Constantine sous la forme consonnique MSNSN (à lire MAS-N-SEN, qui veut dire « Leur Seigneur »).

Fils du roi Gaïa (agellid en berbère) (G.Y.Y, inscription punique), petit-fils de Zelalsan et arrière petit-fils d'Ilès.

Il est né vers 238 av. J.-C. dans la tribu des Massyles (Mis Ilès) et meurt début janvier 148 av. J.-C..

À la mort de Gaïa, Massinissa passant dans le camp de Rome, en 203 av. J.-C. contribue à la capture et la victoire sur Syphax roi des Massaesyles par le commandant romain Gaius Laelius. Syphax est alors envoyé à Rome en tant que prisonnier où il meurt en 202 ou 203 av. J.-C. et les Romains accordent au roi Massinissa le royaume de Syphax en récompense de sa collaboration.

Il contribua largement à la victoire de la bataille de Zama à la tête de sa fameuse cavalerie numide[1].
Jeunesse durant la Deuxième Guerre punique [modifier]

Carte de la Numidie en rose
Maurétanie Tingitane (à l'ouest), Maurétanie Césarienne (au centre-ouest), Numidie (au centre-est), Africa (à l'est)Durant la Deuxième Guerre punique, Rome cherchait à se faire des alliés en Afrique du Nord. Syphax, roi des Massaessyles en Numidie occidentale, cherchait à annexer les territoires de la Numidie orientale, dirigée par Gaïa, roi des Massyles.

C'est ainsi que Syphax accepta trois centuries romaines et se tourna contre Carthage. Carthage vint en aide à Gaïa, en échange de cinq mille cavaliers numides sous le commandement du jeune Massinissa, âgé de vingt-cinq ans, à partir de 212 ou 211 av. J.-C.. Massinissa rejoignit les troupes carthaginoises avec son fidèle ami Laminius en Espagne jusqu'à l'automne 206 av. J.-C.. Il remporta une victoire décisive contre Syphax, et mena avec succès une campagne de guérilla contre les Romains en Ibérie.

Les Carthaginois, battus à Ilipa, finirent par perdre leurs possessions en Méditerranée. Le général romain Scipion, qui commandait l'armée en Espagne, songeait à porter la guerre en Afrique et s'assurer le soutien des royaumes numides. Il gagna l'amitié de Massinissa à partir de 206 av. J.-C., avec lequel il avait passé un accord en secret, puis il se rendit en Afrique pour tenter de convaincre Syphax de rester dans l'alliance. Mais le roi massaessyle, ayant eu vent de l'accord avec Massinissa, s'était déjà rapproché de Carthage.

Accession au trône [modifier]
A la mort de Gaïa (206 av. J.-C.), son frère Oezalces (Oulzacen) lui succède. Marié à une Carthaginoise nièce d'Hannibal, il bénéficie de l'appui des Carthaginois contre ses voisins et ses vassaux turbulents. Mais Oezalces meurt et Capussa monte sur le trône.

Usurpation [modifier]
Capussa est immédiatement contesté par Meztul son cousin, issu de la fraction rivale de la branche régnante. Meztul obtient des armes et des renforts de Syphax, s'attaque aux forces de Capussa. Le combat entre les deux clans donna la victoire à Meztul. Capussa mourut en pleine bataille, et Meztul s'empara du pouvoir pour placer sur le trône Lacumazes, alors que, selon la tradition, le trône revenait à Massinissa.

Carthage, approuvant cette usurpation, scella alliance avec Meztul et lui donna pour épouse la veuve de Oezalces.

Luttes [modifier]

Massinissa.Massinissa apprit ces évènements alors qu'il était en Espagne; il décida de quitter Gadès pour la Maurétanie (-206), et craignant les représailles de Syphax, allié de son cousin, il demanda l'aide de Baga, roi des Maures. Celui-ci lui offrit une escorte de 4000 hommes qui l'accompagna jusqu'aux limites de ses terres. Après avoir rassemblé 500 cavaliers parmi les siens et les fidèles partisans de la famille, il s'attaqua à ses adversaires.

Lacumazes, qui s'apprêtait à quitter Thapsus (actuelle Tunisie), siège de son gouvernement pour se rendre à Cirta afin de présenter ses hommages à Syphax, fut attaqué par Massinissa dans un défilé non loin de la ville. Vaincu dans cette embuscade, Lacumazes parvint néanmoins à prendre la fuite et à rejoindre Cirta. Cette victoire valut à Massinissa un afflux de partisans qui lui permirent de consolider sa position.
Lacumazes et Maztul rassemblèrent des hommes de leur clan, obtinrent l'aide de Syphax et revinrent à la charge avec 15000 fantassins et 10000 cavaliers. Malgré un nombre d'hommes bien moindre, Massinissa est encore victorieux et leur inflige une dure défaite. Battus et abandonnés par les leurs, Lacumazes et Meztul se réfugient à Carthage cette fois, chez leurs beaux-parents.

Massinissa occupa alors Thapsus, qui devint la capitale des Massyles. Afin de consolider son pouvoir, il mena une lutte efficace contre Carthage et prôna l'union de tous les Numides. À Lacumazes et Meztul il offrit de leur rendre leur bien et la considération due à leur rang s'ils revenaient dans leur patrie. Ceux-ci, rassurés quant à la sincérité de leur cousin, quittèrent Carthage et le rejoignirent.

Ce regroupement des forces numides inquiéta les suffètes qui dépêchèrent alors Hasdrubal Gisco auprès de Syphax pour le persuader du danger que représentait désormais un tel voisin. Syphax prétexta alors une vieille querelle concernant des territoires qu'il avait autrefois disputés à Gaïa pour attaquer Massinissa et le contraindre à épuiser ses faibles moyens. Massinissa accepta le combat, son armée fut mise en déroute et Syphax s'appropria alors une partie du royaume massyle.

Massinissa, réfugié dans les montagnes, avec une poignée de fidèles, connut une vie de proscrit. Il ne continua pas moins à harceler ses ennemis par des raids organisés contre les campagnes carthaginoises et les hommes de Syphax ne réussirent pas à venir à bout de lui. L'insécurité qu'il fit peser sur les colons et sa popularité grandissante en Numidie inquiétèrent une fois de plus les suffètes carthaginois. Des expéditions contre Massinissa furent envoyées, on le crut mort. Mais une fois ses plaies cicatrisées Massinissa revenait à la charge et marchait une fois de plus contre Syphax. Peu à peu, ses compatriotes le reconnurent, lui adressèrent leur allégeance et lui offrirent les moyens dont il manquait.

Récupération [modifier]
Son royaume récupéré, Massinissa s'attaqua alors aux territoires voisins. Les colons carthaginois, pour se défendre, se lièrent avec les Massaesyles et rassemblèrent une grande armée contre les Massyles. Syphax était à la tête d'un vaste royaume et sa guerre contre Massinissa ne lui procura que plus de prestige encore. Satisfait de sa victoire qui ne sera guère durable, Syphax accorde en dot au mariage de la belle Sophonisbe, les territoires qu'il avait usurpés à Gaïa. Tout cela se déroula en 205 av. J.-C., moins d'un an après le retour d'Espagne de Massinissa.

Intervention romaine en Afrique [modifier]
Scipion, décidé à en finir avec Carthage, débarqua en Afrique. Le rusé Romain essaya une nouvelle fois d'attirer Syphax qui rejeta de nouveau l'alliance proposée. Il se tourna alors vers Massinissa. Les premiers combats tournèrent en faveur des deux alliés. Ces derniers, encouragés par leurs succès, s'attaquèrent à Utique, place forte carthaginoise, mais l'intervention de Syphax les obligea à se retirer. Ils prirent leurs quartiers d'hiver et Scipion, en cachette de Massinissa, entra de nouveau en contact avec Syphax. Faute de pouvoir le détacher des Carthaginois, il lui demanda de proposer une solution pour mettre fin au conflit entre Rome et Carthage. Syphax proposa que les Carthaginois évacuent l'Italie, où ils étaient en campagne, en échange de quoi les Romains quitteraient l'Afrique. Si le général Asdrubal, qui commandait les Carthaginois, accepta l'offre, Scipion, qui voulait en fait la reddition pure et simple de la Cité punique, la rejeta.

Massinissa et le général romain Scipion l'Africain reprirent leurs attaques, obligeant cette fois-ci les troupes puniques à se replier sur Carthage. Syphax, lui, ne voulant pas perdre plus d'hommes, se retira dans son royaume. Les Carthaginois, comprenant que les Romains ne leur laisseraient pas de répit, décidèrent, après avoir adopté une attitude défensive, de passer à l'offensive. Ils levèrent une forte armée qui, rejointe par Syphax, donna l'assaut. Ce fut la bataille des Grandes Plaines (avril 203 av. J.-C.) qui s'acheva par la victoire des forces coalisées de Massinissa et de Scipion. Il y eut un répit au cours duquel chaque camp reconstitua ses troupes, puis la guerre reprit. Un combat s'engagea entre Massinissa et Syphax, et ce dernier, entouré par de nombreux soldats, était sur le point de l'emporter, quand l'armée romaine intervint. Jeté à terre, Syphax fut arrêté. On l'enchaîna et on le conduisit sous les murs de Cirta qui, voyant son roi en piteux état, décida de se rendre. Massinissa se rendit aussitôt au palais où il retrouva Sophonisbe, épouse de Syphax et fille d'Hasdrubal Gisco (qui d'après Appien lui avait été auparavant promise) et l'épousa sur le champ. Mais Scipion désapprouva ce mariage hâtif, et Massinissa se résolut à faire parvenir du poison à la reine afin de lui éviter le déshonneur de la captivité (il est cependant difficile d'établir la réalité historique de ces faits). Massinissa, après plusieurs années d'errance, put ainsi reprendre le royaume de ses pères. Carthage, vaincue, fut obligée de signer une paix qui la priva d'une grande partie de ses territoires et de sa flotte. Le retour de Hannibal, qui avait mis fin à la campagne d'Italie, souleva les espoirs de la cité. Un incident rompit bientôt la paix et la guerre reprit.

Guerre contre Hannibal
Hannibal s'allia à Vermina, le fils et successeur de Syphax et, ensemble, ils envahirent le royaume des Massyles. Massinissa et Scipion les rejoignirent à Zama et une grande bataille s'engagea (202 av. J.-C.). Le choc fut rude et il y eut des pertes des deux côtés, puis la bataille tourna à l'avantage de Massinissa et de Scipion. L'historien latin Tite-Live fait un récit très imagé de cette bataille :

« Un combat singulier s'engage entre Massinissa et Hannibal. Hannibal pare un javelot avec son bouclier et abat le cheval de son adversaire. Massinissa se relève et, à pied, s'élance vers Hannibal, à travers une grêle de traits, qu'il reçoit sur son bouclier en peau d'éléphant. Il arrache un des javelots et vise Hannibal qu'il manque encore. Pendant qu'il en arrache un autre, il est blessé au bras et se retire un peu à l'écart... Sa blessure bandée, il revient dans la mêlée, sur un autre cheval. La lutte reprend avec un nouvel acharnement, car les soldats sont excités par la présence de leurs chefs. Hannibal voit ses soldats fléchir peu à peu, certains s'éloignent du champ de bataille pour panser leurs blessures, d'autres se retirent définitivement. Il se porte partout, encourage ses hommes, abat par-ci, par-là ses adversaires, mais ses efforts demeurent vains. Désespéré, il ne pense qu'à sauver les restes de son armée. Il s'élance en avant, entouré de quelques cavaliers, se fraie un chemin et quitte le champ de bataille. Massinissa qui l'aperçoit se lance avec son groupe derrière lui. Il le presse, malgré la douleur que lui cause sa blessure, car il brûle de le ramener prisonnier. Hannibal s'échappe à la faveur de la nuit dont les ténèbres commencent à couvrir la nature. »
Carthage fut de nouveau contrainte à négocier. Mais le précédent traité fut révisé et la cité punique dut restituer à Massinissa tous les territoires qui avaient été arrachés à ses ancêtres. Hannibal se révolta et essaya de s'opposer au traité mais, menacé d'être livré aux Romains, il s'enfuit en Syrie où il se suicidera en 183 av. J.-C..

Le personnage et l'œuvre [modifier]
Appien dit de lui:

« qu'il était beau dans sa jeunesse et de taille élevée. Il garda, jusqu'à l'âge le plus avancé, une étonnante vigueur. Il pouvait rester une journée entière debout ou à cheval; octogénaire, il sautait sur sa monture sans aucune aide et, comme les autres Numides, il dédaignait l'usage de la selle. Il bravait tête nue le froid et la pluie. À 88 ans, il commanda son armée dans une grande bataille contre les Carthaginois; le lendemain, Scipion Emilien le trouva sur pied devant sa tente, tenant un morceau de galette sec qui constituait tout son repas. »
Massinissa eut plusieurs épouses et un nombre considérable d'enfants dont quarante-trois garçons ; parmi ses nombreuses filles, plusieurs furent mariées à des nobles carthaginois. La plupart des enfants de Massinissa disparurent avant lui mais il en resta, à sa mort, une dizaine (Mikusan dit Micipsa, Gulusan, Mastanabal, Masucan...). Massinissa adorait les enfants et il garda durant plusieurs années auprès de lui certains de ses petits-enfants. À des marchands grecs, venus acheter des singes en Numidie, pour distraire des riches oisifs, il aurait dit: « Les femmes de votre pays, ne vous donnent-elles donc pas d'enfants ? »

Massinissa, qui était un rude guerrier, encouragera la littérature et les arts, envoya ses enfants étudier en Grèce et reçut à sa cour de nombreux écrivains et artistes étrangers. Ce fut un homme courageux et un roi généreux (pardon accordé à Lacumazes et Meztul, protection accordée à Sophonisbe).

Après la bataille de Zama, Massinissa vécut encore de nombreuses années. Il garda sa vie durant l'amitié de Rome sans jamais être son vassal et, contre ses appétits impérialistes, déclara, dans une formule restée célèbre : « l'Afrique appartient aux Africains ». Il récupéra non seulement les territoires que lui accordait le traité passé avec Carthage mais aussi de nombreuses villes et régions sous l'autorité des Carthaginois ou de Vermina, le fils de Syphax. De 174 à 172, il occupa soixante-dix villes et forts.

Mais Massinissa savait aussi se comporter en souverain raffiné, portant de riches vêtements et une couronne sur la tête, donnant, dans son palais de Cirta, des banquets où les tables étaient chargées de vaisselle d'or et d'argent et où se produisaient les musiciens venus de Grèce.

Massinissa avait combattu les Carthaginois mais il ne dédaigna guère la civilisation carthaginoise, dont il sut tirer avantage. La langue punique fut d'usage courant dans sa capitale où on parlait également, en plus du berbère, les langues grecque et latine.

L'œuvre sociale et politique de Massinissa fut aussi grande que son œuvre militaire. Il sédentarisa les Amazighs, édifia un État numide puissant et le dota d'institutions, inspirées de celles de Rome et de Carthage. Il fit frapper une monnaie nationale et entretint une armée régulière et une flotte qu'il mit parfois au service de ses alliés romains. Ce fut un grand aguellid, qui pétrit son peuple de ses mains puissantes et s'efforça de faire de la Berbérie un État unifié et indépendant. Jamais ce pays ne fut plus près de réaliser l'ébauche d'une nation libre et de développer sa civilisation autonome. La tentative de Massinissa mit en relief ses qualités exceptionnelles de souverain.

Postérité [modifier]

Tombeau de Massinissa à El-Khroub (dit : Soumâa El-Khroub) près de ConstantineMassinissa, fut célèbre dans tous les pays de la Méditerranée et l'île de Délos, en Grèce, lui éleva trois statues. Vers la fin de sa vie, il voulut s'emparer de Carthage pour en faire sa capitale. Les Romains, qui redoutaient qu'il n'acquière une puissance encore plus grande que celle des Carthaginois et qu'il ne se retourne contre eux, s'opposèrent à ce projet. Caton, attirant l'attention sur le danger que représentait Massinissa, lança sa célèbre formule: « Delenda est Carthago! » (« Il faut détruire Carthage! »).

Ce fut de nouveau la guerre en Afrique et, après d'âpres combats, Carthage fut livrée aux flammes, puis au pillage. Les survivants furent réduits en esclavage et la ville fut entièrement rasée (146 av. J.-C.). Massinissa, mort quelque temps plus tôt, n'avait pas assisté à la chute de la ville convoitée. Ses sujets, qui l'aimaient, lui dressèrent un mausolée, non loin de Cirta, aujourd'hui Constantine (Algérie), sa capitale, et un temple à Thougga, l'actuelle Dougga, en Tunisie.

Jugurtha


Jugurtha est le petit-fils du roi numide Massinissa dont le tombeau se trouve à Cirta, l'actuelle Constantine, et qui fut un grand allié de Rome durant les guerres puniques ; il recevra le titre d'« ami de Rome ». Son père est Mastanabal, frère de Micipsa, tandis que sa mère est une esclave concubine. Comme il s'agit d'un successeur potentiel — le fils légitime de Mastanabal, Gauda, étant maladif —, Micipsa, roi de Numidie à l'époque, veut se débarrasser de Jugurtha en l'envoyant en Hispanie (actuelle Espagne) combattre avec les troupes auxiliaires de l'armée romaine. Jugurtha se montre brave et courageux et les armées numide et romaine sont victorieuses à Numance. Jugurtha se fait beaucoup d'amis à Rome — non seulement grâce à sa valeur mais aussi, quand il le faut, grâce à son argent — et c'est peut-être suite à des pressions des Romains que Micipsa finit par l'adopter trois ans avant sa mort, ce qui en fait l'un des héritiers du pouvoir. Après sa mort, le royaume est partagé entre ses fils Adherbal et Hiempsal et son fils adoptif Jugurtha.

Jugurtha, qui ne veut pas voir le royaume de Numidie divisé de cette manière, n'accepte pas la décision du sénat numide. En outre, ses cousins ne l'apprécient guère et ne se privent pas de railler son ascendance peu glorieuse. La même année, Jugurtha fait assassiner Hiempsal, le plus jeune des deux frères. Le sénat ne paraît pas offusqué par cet étrange décès et la Numidie est partagée entre Adherbal et Jugurtha. Les deux hommes continuent néanmoins à se faire la guerre jusqu'en 113 av. J.-C., date à laquelle Adherbal est assassiné par Jugurtha. En outre, ce dernier s'empare aussi de la cité de Cirta, massacrant les commerçants romains qui s'y trouvent. Rome accepte mal que ses ressortissants aient été massacrés, ni le fait que Jugurtha veuille mettre en place un royaume de Numidie fort et uni. Le consul Calpurnius est alors envoyé en Afrique du Nord et le conflit dure jusqu'en 111 av. J.-C., date à laquelle Jugurtha accepte de faire la paix.

À Rome, les avis sont divisés sur la question numide : les optimates considèrent que la Numidie doit rester un royaume indépendant, les populares considérant au contraire que la Numidie est une propriété du peuple romain. Jugurtha est alors convoqué devant le Sénat romain. C'est alors que le consul Postimius Albinus propose de régler le problème en donnant la couronne à Massiva, un cousin de Jugurtha. Ce dernier tue Massiva et s'enfuit. Les hostilités reprennent alors. Postimius Albinus ayant été vaincu par Jugurtha à la bataille de Calama, il est remplacé par un nouveau consul, Quintus Caecilius Metellus qui gagnera son surnom de Numidicus au cours de cette guerre. Ce dernier est secondé par le consul Caius Marius soutenu par les populares, Caecilius Metellus étant le patron de Marius. Caecilius Metellus sort victorieux, s'emparant des villes de Zama et Thala et repoussant Jugurtha en Maurétanie. Cependant, il est relevé de son commandement en 107 av. J.-C. au profit de Marius. Ce dernier remporte de nouvelles victoires contre Jugurtha à Cirta et à Capsa, l'actuelle Gafsa.


Jugurtha emprisonné par les Romains : gravure provenant d'une édition espagnole du Bellum Iugurthinum (La Guerra de Jugurta por Cayo Salustio Crispo) imprimée à Madrid par Joaquin Ibarra en 1772En 105 av. J.-C., à l'initiative du questeur Sylla, Jugurtha est capturé par son beau-père Bocchus, roi de Maurétanie, qui le livre à Rome. Bocchus reçoit le titre d'« ami de Rome » et la Numidie n'est pas annexée. Elle est cependant étroitement surveillée en devenant un royaume client de Rome. Les Romains placent sur le trône Gauda, fils légitime de Mastanabal. Marius est alors réélu consul en 105 av. J.-C. puis reçoit les honneurs du triomphe lorsqu'il retourne à Rome. Quant à Jugurtha, il meurt — sans doute étranglé — dans la prison de Tullianum vers 104 av. J.-C.

Le conflit entre Rome et Jugurtha nous est surtout connu grâce à la Guerre de Jugurtha (Bellum Jugurthinum) de l'historien romain Salluste.

Jugurtha, un roi berbère et sa guerre contre Rome




La figure de Jugurtha rappelle à tout Africain la lutte d'un chef numide contre la pénétration romaine à la fin du IIe siècle avant l'ère chrétienne. Mais qu'est-ce que l'Afrique pour Rome, à cette période ? S'il est assez facile de parler de Rome à la fin du IIe siècle avant Jésus-Christ, il est beaucoup plus compliqué, en revanche, de fournir des renseignements sur l'Afrique où pourtant Rome avait eu des visées expansionnistes dès le début de cette guerre de cent ans de l'Antiquité, plus connue sous le nom des « trois Guerres puniques ».
Entre la date de 146 avant Jésus-Christ qui marque la fin de Carthage et les différents épisodes de la guerre dite de Jugurtha, entre 111 et 105 avant Jésus-Christ, s'ouvre une nouvelle phase de l'histoire de l'Afrique ou la figure dominante, succédant au célèbre Massinissa, est sans conteste celle de Jugurtha.

Pourtant, et comme pour une grande partie de l'histoire de cette période, les données manquent et si ce n'était l'oeuvre de l'historien latin Salluste [1], connue sous le nom de « Guerre de Jugurtha », nous n'aurions que très peu de choses à en dire. Les sources de notre connaissance du personnage sont en effet très limitées. L'oeuvre maîtresse dans laquelle tous les historiens puisent des renseignements sur Jugurtha reste donc le Bellum Jugurthinum. À côté de cet ouvrage ne subsistent que quelques fragments, notamment dans Diodore de Sicile ou dans l'Histoire romaine de Tite-Live, dans laquelle les événements ayant trait à la guerre de Jugurtha se trouvent réduits à de simples et brèves mentions.

Salluste a écrit la « Guerre de Jugurtha » vers les années 42-40 avant Jésus Christ, alors qu'il était âgé de quarante-six ans environ et qu'il s'était retiré de la vie politique après son dernier poste de proconsul dans la toute dernière province que Rome venait d'annexer : l'Africa Nova [2].

Les limites du nouveau territoire, dont la capitale était soit Zama, soit Cirta Nova Sicca (Le Kef), demeuraient imprécises au sud. Du côté est, la limite suivait la frontière de l'Africa Vetus, le fossé de Scipion ou Fossa Regia, depuis l'Oued-el-Kebir, près de Tabarka, jusqu'à l'entrée de la petite Syrte, à côté de la ville de Thaenae (Henchir Thyna près de Sfax) (fig. 1).



(figure 1) (cliquez l'image pour un agrandissement)
Du côté occidental la nouvelle province était bordée par un territoire donné à Sittius, un lieutenant de César. Il semble que la limite entre l'Africa Nova et le territoire de Sittius partait d'un point situé sur la côte entre Hippo Regius (Annaba) et Rusicade (Skikda), passait à l'ouest de Calama (Guelma) et se poursuivait vers le sud-ouest.

Salluste a donc eu à exercer une responsabilité sur ce territoire pendant plus d'un an et demi. Lorsqu'il en parle, à propos de la guerre de Jugurtha, on peut supposer qu'il a une certaine familiarité avec le pays, même si ça et là on note quelques erreurs. Cependant un certain nombre de questions se posent à propos du sujet qu'il a choisi de traiter alors que près de soixante-dix ans s'étaient écoulés depuis la fin de la guerre et qu'il n'a pu, par conséquent, utiliser des témoignages oraux.

L'auteur a-t-il étudié consciencieusement son sujet, a-t-il su et voulu dire la vérité ? Pour répondre, il faudrait savoir où Salluste a puisé ses sources et dans quel esprit il a mis en oeuvre les renseignements qu'il avait recueillis.

En ce qui concerne les sources utilisées, Salluste rapporte lui-même qu'il s'était fait traduire les livres du roi numide Hiempsal écrits en punique [3]. Pour les sources grecques ou latines de Salluste, nous n'avons aucune indication. On suppose seulement qu'il a pu s'inspirer de certains annalistes, tels Sempronius Asellio, d'historiens latins, comme Cornelius Sisenna, ou encore d'historiens grecs, tel le célèbre Posidonius d'Apamée.

Le problème, on le voit, est assez complexe quand il s'agit d'étudier un personnage aussi important à son époque que fut Jugurtha, avec pratiquement une seule et unique source. Il est alors permis de se demander quel degré de confiance l'on peut accorder au récit de Salluste sur les événements au cours desquels s'est illustré Jugurtha.




Jugurtha, petit-fils de Massinissa


Salluste entreprend son récit, comme dans une pièce dramatique, en nous présentant les personnages et les protagonistes du drame qui va se jouer en grande partie sur la terre africaine. Il met l'accent, dès le départ, sur le problème fondamental qui est, à ses yeux, la trahison du parti de la noblesse à Rome, qui n'a que « mépris pour la vertu et la chose publique ». Avant d'en arriver au personnage qui s'opposera à Rome, entre 118 et 105 avant Jésus-Christ, Salluste fait un bref rappel de la situation antérieure :

« J'entreprends d'écrire l'histoire de la guerre que le peuple romain a faite à Jugurtha, roi des Numides. D'abord, parce qu'elle a été cruelle, sanglante, marquée par bien des vicissitudes. Ensuite parce qu'elle est devenue le point de départ de la lutte contre la tyrannie des nobles, lutte qui a bouleversé toutes choses divines et humaines et mis un tel délire dans les esprits que seuls la guerre et le ravage de toute l'Italie ont pu mettre fin à ces fureurs civiles. Mais avant d'en aborder le récit, je résumerai en quelques mots les faits antérieurs pour rendre cette histoire plus claire.

Lors de la seconde Guerre punique, dans laquelle le chef des Carthaginois, Hannibal, avait porté à l'Italie le plus rude des coups qu'elle avait eu à subir depuis l'établissement de la puissance romaine, Massinissa, roi des Numides, admis à notre alliance par Publius Scipion que ses exploits avaient fait surnommer l'Africain, s'était signalé par des faits d'armes multiples et brillants. Le peuple romain l'en récompensa après la défaite des Carthaginois et la capture de Syphax, souverain d'un vaste et puissant empire africain, en lui faisant don de toutes les villes et de toutes les terres qu'il avait conquises. Aussi Massinissa nous garda-t-il toujours une amitié fidèle et indéfectible. Mais son règne finit avec sa vie. Son fils Micipsa fut seul à lui succéder, la maladie ayant emporté ses frères Mastanabal et Gulussa. Micipsa fut père d'Adherbal et de Hiempsal. Il recueillit dans son palais le fils de son frère Mastanabal, Jugurtha, laissé par Massinissa dans une condition inférieure parce qu'il était né d'une concubine, et lui donna la même éducation qu'à ses propres enfants. » (Bellum Jugurthinum, V).



(figure 2) (cliquez l'image pour un agrandissement)
En aidant à la reconstitution du grand royaume de Numidie (fig. 2), Scipion l'Africain désirait non seulement récompenser Massinissa pour l'aide qu'il avait apportée à Rome dans sa lutte contre Carthage, mais encore l'entraîner dans une situation de vassalité qu'il lui aurait été difficile de secouer. Massinissa termine sa vie [4] par une sorte d'aveu d'impuissance puisqu'en 148 il fait appeler, pour régler sa succession, le petit-fils adoptif de Scipion l'Africain qui conduit le siège devant Carthage.

Les attributions royales furent partagées entre ses trois fils légitimes : Micipsa reçut l'administration du royaume, Gulussa l'armée, et Mastanabal la justice. Notons à ce sujet qu'une stèle punique datant de 148, découverte à Constantine, dans le quartier d'EI-Hofra, mentionne les trois rois sans différence dans les prérogatives.

Gulussa et Mastanabal moururent peu de temps après leur père et Micipsa resta seul roi (en libyque, on disait aguellid). Son long règne (148-118) ne fut pas marqué par d'importants événements. À l'égard de Rome, il se conduisit en fidèle allié, mettant à sa disposition une aide humaine et matérielle chaque fois qu'elle était demandée, notamment en Espagne contre Viriathe et les Lusitaniens et durant le siège de Numance par Scipion Émilien en 134. Il ne posait donc aucun problème aux Romains qui s'étaient installés, après la destruction de Carthage en 146, sur le territoire de l'ancienne puissance voisine de la Numidie (voir carte).

Il semble même avoir facilité l'implantation de commerçants, mais aussi de trafiquants romains à Cirta (Constantine) et dans la Numidie. À la fin de sa vie, et comme lors de la succession de Massinissa, probablement sous l'influence romaine, il a dû penser à celui qui prendrait la relève et assumerait le pouvoir, tout en restant en bons termes avec les Romains qui administraient la province Africa [5].

Micipsa avait deux fils légitimes, Adherbal et Hiempsal, à qui il aurait souhaité réserver la succession tout entière, écartant ainsi les autres prétendants de la famille de Massinissa (voir le tableau généalogique de la dynastie massyle de Numidie). Mais il dut prendre une autre décision.

Son frère Mastanabal avait eu également deux enfants, Gauda, né d'une épouse légitime, et Jugurtha, issu d'une concubine et normalement « non qualifié pour accéder au trône ». Gauda ne semble avoir été retenu qu'en seconde position pour la succession car « c'était, selon Saluste, un homme rongé de maladies qui avaient quelque peu diminué son intelligence » [6]. Il n'en régna pas moins à partir de 105 avant Jésus-Christ.

Salluste à tenté d'expliquer alors les raisons qui amenèrent Micipsa à adopter Jugurtha. Il lui fait dire, en effet, sur son lit de mort : « Tu n'étais qu'un petit enfant, Jugurtha ; ton père était mort, et t'avait laissé sans avenir et sans ressource. Alors moi, je t'ai reçu dans la famille royale ; j'ai fait cela dans la pensée que ces bienfaits me voudraient de ta part une affection égale à celle qu'auraient pour moi mes propres enfants, si je venais à en avoir ». [7]

Cette légitimation a dû intervenir alors que Jugurtha n'avait qu'une dizaine d'années, vers 143 avant Jésus-Christ, avant même que naissent Adherbal et Hiempsal.

Par quelques phrases suggestives, Salluste nous a dépeint la jeunesse de Jugurtha, et sa rapide ascension au milieu de son entourage. Ses qualités physiques et sa personnalité rappellent celles de son grand-père Massinissa.

« Des sa première jeunesse, Jugurtha s'était fait remarquer par sa vigueur, par sa belle prestance et, surtout, par son intelligence. Il ne se laissait pas corrompre par le luxe et par l'oisiveté, mais comme c'est l'usage dans son pays, montait à cheval, lançait le javelot, disputait le prix de la course aux garçons de son âge et, tout en se montrant supérieur à tous, se faisait aimer de tous. Il consacrait, en outre, une grande partie de son temps à la chasse et était toujours le premier, ou parmi les premiers, à s'attaquer à des lions et autres bêtes féroces. Nul n'agissait plus que lui et nul ne parlait moins de ses propres actions. » (Bellum Jugurthinum, VI).

Il devint populaire parmi les tribus numides ce qui ne manqua pas d'inquiéter le vieux roi Micipsa, enfin père de deux garçons. « Mais n'osant pas le faire périr, par crainte d'une révolte de ses sujets, il l'aurait envoyé devant Numance, avec l'espoir qu'il s'y ferait tuer, victime de sa bravoure. » [8]

Jugurtha a donc quitté la capitale, Cirta, au cours de l'année 134 et s'est rendu en Espagne, à la tête de cavaliers numides, pour aider les troupes romaines qui assiégeaient Numance [9]. Il se fit remarquer aussi bien par les Romains que par les troupes adverses. Salluste lui-même reconnaît « qu'il était à la fois intrépide dans les combats et sage dans le conseil, qualités qui vont rarement de pair... Il en résulta que Scipion prit l'habitude de charger Jugurtha de toutes les entreprises dangereuses » [10]...

Dans son récit, Salluste laisse entendre qu'à ce moment-là déjà Jugurtha aurait été encourage par certains amis romains à revendiquer le trône numide. Dans l'interprétation faite par Charles Saumagne de ce texte assez énigmatique, où l'on annonce déjà « qu'à Rome tout était à vendre », il faudrait voir un avertissement à Jugurtha [11] : « Jugurtha devra savoir que c'est du peuple (romain), et non de la complaisance des nobles, qu'il pourra obtenir la puissance royale... Que Jugurtha ne s'écarte pas de la ligne que lui trace cette sorte d'investiture officieuse ; qu'il se pénètre tout de suite du principe que le peuple romain est bien le maître de disposer du trône de Numidie, et ce trône s'offrira comme de lui-même à ses ambitions. »

Il nous semble que cette vision de la Numidie pratiquement terre romaine est quelque peu extrapolée et qu'une confiance démesurée est accordée au texte de Salluste. N'oublions pas qu'il était romain, qu'il avait été gouverneur d'une province romaine en Afrique, et qu'il n'avait pas le souci d'objectivité d'un historien moderne. Aussi les explications de Salluste sont-elles à prendre avec beaucoup de précaution surtout en ce qui concerne ce problème de succession, « car Micipsa aurait pu, s'il l'avait voulu, se débarrasser facilement de Jugurtha, avant même de l'envoyer à Numance » [12].

Toujours est-il qu'après la prise de Numance, à laquelle les contingents numides contribuèrent grandement, Scipion Émilien fit les louanges de Jugurtha devant toute l'armée et lui remit une lettre pour Micipsa rédigée à peu près dans ces termes : « Ton Jugurtha a fait preuve de la plus grande vaillance dans la guerre de Numance. Je suis sûr que tu t'en réjouiras... Tu as là un homme digne de toi et de son grand-père Massinissa » [13].

Le jeune prince, déjà auréole de gloire, fut alors adopté par Micipsa. Les talents militaires du fils de Mastanabal avaient probablement incité le roi à prévoir une répartition des charges entre ses deux enfants et son neveu, à l'image de ce qui avait été fait entre ses deux frères et lui-même.

Lorsque survint la mort de Micipsa, en 118, les trois héritiers se sont réunis pour établir leur part respective de la royauté. Mais ce fut tout de suite objet de litige et aucun accord ne put être enregistré. Ainsi les précautions prises par Micipsa auront été vaines.

Cette affaire de succession ouverte aux portes de Rome, aux frontières de la province d'Afrique, n'a certainement pas laissé insensibles les dirigeants romains. On peut même supposer, Salluste ne le dit pas, que l'un des deux consuls de l'année 118, M. Porcius Caton, mort la même année en Afrique, a dû être dépêché auprès des trois rois numides pour appuyer une solution favorable à Rome.

Effectivement, Adherbal, Hiempsal et Jugurtha ne pouvant s'entendre, renoncent à toute association et décident de faire le partage du trésor, puis du royaume. Au cours du laps de temps qui sépara la première conférence des trois princes et le moment où ils fixèrent la date pour le partage du trésor et du royaume, Jugurtha allait profiter de la situation. Il fit assassiner Hiempsal, dans une des villes du royaume, Thirmida. Ce geste eut pour conséquence de diviser les Numides en deux camps, l'un pour Adherbal, et le second constitué surtout par l'élite militaire favorable à Jugurtha.

Comme l'on peut s'y attendre, le texte de Salluste flétrit le geste de Jugurtha et favorise, par contre, un sentiment de pitié à l'égard d'Adherbal qui fait d'abord appel au Sénat romain puis « se fiant à la supériorité numérique de ses troupes, va tenter la fortune des armes ».[14] À peine le combat engage, Adherbal fut battu par Jugurtha. Il chercha alors refuge dans la province romaine de l'Africa, et de là partit pour Rome.

À l'incohérence de la conduite d'Adherbal qui, après avoir procédé par la voie juridique avec un appel porté devant le Sénat, a recours aux armes par la suite, s'oppose la fermeté de l'attitude de Jugurtha à qui la division de la Numidie en trois ne pouvait convenir. Le problème qui est soumis à l'attention du Sénat romain va voir se développer les deux thèses en présence. La première, illustrée par le roi Adherbal soulignait le fait que la Numidie était « chose romaine » et que le « roi » (ou aguellid) n'en était que le régisseur. Il se faisait ainsi le porte-parole d'une tendance favorable à l'introduction de la Numidie dans la propriété de Rome.

La seconde était brièvement exposée par les envoyés de Jugurtha qui, selon Salluste, étaient chargés de présents pour les sénateurs : « ...Des problèmes ont surgi dans le royaume numide où Jugurtha doit être jugé selon ses actes. Or, vous l'avez eu comme ami et allié à Numance. » Il n'est pas question ici d'une quelconque allégeance à l'égard de Rome. Jugurtha accepta cependant l'arbitrage d'une commission de dix personnes qui présida au partage du royaume. Toujours selon Salluste, Jugurtha reçut la partie de la Numidie « la plus fertile et la plus peuplée » qui touchait à la Maurétanie, tandis qu'Adherbal « eut celle qui, tout en comptant plus de ports et de belles constructions, avait moins de ressources naturelles que d'apparence. » [15]

Ceci se passait en 117 avant Jésus-Christ, un an à peine après la mort de Micipsa. Dans le récit de Salluste, on assiste alors à une pause. L'auteur esquisse légèrement l'aspect général et la physionomie de l'Afrique. En même temps, il indique quels peuples l'habitaient à l'origine, quelles migrations successives s'y étaient développées, et enfin quel était l'état politique de ce territoire au moment où commence la guerre de Jugurtha :

« Au temps de la guerre de Jugurtha, la plupart des villes puniques étaient administrées au nom du peuple romain, par des magistrats romains. Une grande partie du pays des Gétules et la Numidie jusqu'au fleuve Muluccha étaient sous la domination de Jugurtha. Les Maures obéissaient au roi Bocchus qui ne connaissait des Romains que le nom et qui ne nous était connu ni comme ennemi ni comme allié. » [16]

Ce qui semble sûr, c'est qu'à Rome, l'habitude était prise d'appeler Numidie la vaste contrée qui s'étendait depuis le territoire de Carthage jusqu'au fleuve Muluccha (Moulouya) et Maurétanie, le pays le plus lointain compris entre la Muluccha et l'Atlantique. La Numidie était un peu mieux connue puisqu'on savait qu'elle était partagée entre deux grandes tribus, ou plutôt confédération de tribus, qui dominaient sur toutes les autres : à l'ouest, celle des Masaesyles qui obéirent, entre autres au célèbre roi Syphax et eurent pour capitale Siga, à l'embouchure de la Tafna ; à l'est, celle des Massyles, avec leur chef, célèbre rival de Syphax, l'aguellid Massinissa, autour de la capitale Cirta (actuelle Constantine) (fig. 2).

Après une trêve de quatre années sur laquelle Salluste n'apporte aucune information, Jugurtha, qui ne s'était pas résigné au partage de la Numidie, prit en 113 l'initiative des opérations et s'attaqua au royaume d'Adherbal qui avait Cirta pour capitale.

Bien entendu, Salluste nous présente, dans sa conception manichéenne du monde, le « méchant » Jugurtha face à un Adherbal paisible et pacifique qui ne désirait même pas répondre par la brutalité, sauf s'il y était contraint. Adherbal se contentait d'appeler au secours ses protecteurs romains. Des ambassades furent envoyées, l'une après l'autre, sans succès aucun. Jugurtha tenait ferme et continuait le siège de Cirta.

C'étaient des Romains et des Italiotes (Togati et Italici) pratiquant le commerce dans les États d'Adherbal, et ayant établi leur centre d'affaires à Cirta, qui avaient protégé la retraite du roi et interdit les portes de la ville à ceux qui les talonnaient. Ils avaient monté la garde aux remparts. On imagine bien que cette attitude des Italiens présents à Cirta n'était dictée que par le désir de conserver leurs intérêts avec un roi à leur merci, plutôt que de se livrer à un Jugurtha qui ne leur aurait pas permis les même facilités.

Diodore de Sicile suit, en la dramatisant encore plus, la version de Salluste pour cet épisode qui fut le casus belli qu'attendaient les ennemis de Jugurtha à Rome :

« Dans une bataille que se livrèrent en Libye les deux rois et frères Adherbal et Jugurtha, ce dernier remporta la victoire, et fit mordre la poussière à un grand nombre de Numides. Adherbal, qui s'était réfugié à Cirta, assiégé dans cette place, envoya des députés à Rome pour réclamer son appui, et prier qu'on n'abandonnât pas, dans un péril si pressant, un roi et un allié fidèle. Le Sénat accueillit cette demande et fit partir des commissaires chargés d'ordonner la levée du siège ; mais Jugurtha n'ayant pas obéi à cette première injonction, les Romains envoyèrent de nouveaux députés pris dans un rang plus élevé que les premiers : ils ne réussirent pas mieux, et revinrent à Rome sans avoir rien obtenu. Cependant Jugurtha avait fait entourer la ville d'un fossé et cherchait par tous les moyens de réduire la place. Dans cette extrémité, son frère Adherbal même vint à la rencontre du vainqueur, offrit de lui céder la royauté et se borna à demander la vie ; mais Jugurtha, sans respecter ni les liens du sang, ni les saintes lois qui protègent les suppliants, fit sans pitié égorger Adherbal, et ordonna en même temps le supplice de quelques Italiens qui avaient suivi le parti de son frère, et qu'il fit périr dans les tourments. » (Diodore de Sicile, Fragments).

En prenant Cirta, Jugurtha venait de reconstituer l'unité du royaume de Numidie. Ce faisant, il n'ignorait pas qu'il se heurterait à l'hostilité de Rome, surtout à la suite du massacre des négociants et trafiquants romains. Mais sa volonté d'unifier la Numidie fut telle qu'il n'hésita pas à payer d'audace.




Jugurtha en lutte contre Rome


À Rome, ce fut « l'union sacrée » contre Jugurtha. L'un des tribuns récemment élus au cours de l'année 112, Caius Memmius, enflamma l'assemblée par ses harangues belliqueuses. Il faisait certainement partie d'un groupe de financiers solidaires des négociants d'Afrique.

Talonné par la propagande de Caius Memmius, le Sénat fut contraint de prendre position dès l'automne de l'année 112 en créant une « province de Numidie », désignant ainsi le territoire de Jugurtha comme champ de prochaines batailles. Le sort chargea le nouveau consul pour l'année 111, Lucius Calpurnius Bestia, d'y mener la campagne pour laquelle une armée fut levée et des crédits alloués.

Cette décision surprit fortement Jugurtha, nous rapporte Salluste [17]. Mais « cette guerre, beaucoup de Romains clairvoyants ont voulu et voudraient l'éviter, souligne Gsell ; ils n'ont pas besoin de l'or de Jugurtha pour comprendre qu'elle est inopportune et qu'elle sera très dure... On sait, depuis le temps d'Hannibal, que ces barbares d'Afrique ne sont pas des ennemis à dédaigner. » [18]

Lorsque les armées romaines, sous la direction de Calpurnius Bestia et d'Aemilius Scaurus débarquèrent en Afrique, Jugurtha les laissa pénétrer quelque peu en territoire numide puis il leur proposa une trêve, « en achetant les chefs », nous dit Salluste. Et, poursuit l'auteur, « dans la Numidie, comme dans notre armée, ce fut la paix ». L'année 111 fut donc assez favorable à Jugurtha qui évitait ainsi à son pays les difficultés d'une guerre à outrance. Mais l'opinion publique romaine, manipulée par les financiers, n'acceptait pas ce trop rapide dénouement et exigeait le châtiment des nobles qui s'étaient, parait-il, laissé corrompre par l'or numide.

Encore une fois le tribun Memmius souleva l'indignation du parti populaire et exigea du Sénat de faire témoigner Jugurtha lui-même contre la vénalité des nobles : « Qu'ils soient poursuivis par la justice, dénoncés par Jugurtha lui-même ! » [19]

Pour Jugurtha qui semblait connaître assez bien les méandres de la politique romaine, il n'était plus question de remettre en cause une paix qu'il avait signée avec le consul romain et un prince du Sénat. Aussi accepta-t-il de se rendre à Rome au début du mois de décembre 111.

Les commentateurs de Salluste expliquent différemment l'attitude de Jugurtha au procès des nobles. Pour Saumagne, Jugurtha va nouer des relations avec le parti populaire et, tournant le dos à une noblesse incapable de maîtriser l'irréversible mouvement des forces plébéiennes, il est conduit à devenir l'animateur et l'informateur de cette « conjuration jugurthine »... mais lui-même deviendra à son tour victime de sa propre cabale [20].

C'est ainsi qu'on explique son attitude devant l'Assemblée du peuple où il se tut comme le lui avait demandé le tribun Baebius, acheté lui aussi, selon Salluste, à prix d'or.

Pour Gsell, au contraire, « il n'est pas moins vrai qu'un honnête homme eut pu trouver légitime d'agir comme lui (Baebius) car rien n'était plus humiliant pour la République que cette scène théâtrale où un barbare, qui s'était joué de Rome et souillé de sang italien, était appelé à jeter le déshonneur sur les personnages les plus considérables de l'État. » [21]

En fait, reconnaît Saumagne, le récit de cette première partie de la guerre de Jugurtha sent l'enflure et l'artifice. On y flaire un parti pris d'excitation à froid qui ne parvient pas même à communiquer sa fausse chaleur [22]...

Jugurtha semble avoir séjourné plusieurs semaines à Rome. La fin de l'année 111 marque en effet la désignation de deux nouveaux consuls, tandis que le roi numide est toujours présent à Rome. L'un des deux consuls, Spurius Postumius Albinus, avait tenté d'apporter une solution au problème de la Numidie en suscitant un rival à Jugurtha. L'homme « providentiel » était justement à la disposition des Romains, mais Salluste n'en parle qu'à cette occasion : « Il y avait alors à Rome un Numide du nom de Massiva, fils de Gulussa, et petit-fils de Massinissa. Il s'était déclaré contre Jugurtha lors de la querelle des princes et, après la réddition de Cirta et le meurtre d'Adherbal, avait du quitter en fugitif sa patrie. Spurius Albinus qui, avec Quintus Minucius Rufus, avait succédé à Bestia dans le consulat, s'adressa à cet homme et l'engagea, puisqu'il descendait de Massinissa, à profiter de la haine et de la terreur qu'avaient inspirées les crimes de Jugurtha, pour demander au Sénat de le reconnaître pour roi de Numidie. » [23]

Mais Jugurtha, grâce aux amitiés qu'il avait à Rome, avait été mis au courant de cette nouvelle offensive destinée à le destituer du trône de Numidie. Il eut l'audace, selon Salluste, de faire assassiner Massiva à Rome même. Puis il quitta la ville en prononçant sa fameuse phrase : « Ville à vendre ! Que tu périras vite si tu trouves un acheteur ! »

La guerre va reprendre au début de l'année 110. Jugurtha va tenir tête aux troupes dirigées par le consul Spurius Albinus, en multipliant les manoeuvres de diversion et en appliquant une stratégie qui réussissait d'autant mieux qu'il connaissait parfaitement l'armée adverse. L'aguellid devait savoir également que le consul était pressé et qu'il devait rentrer à Rome avant la fin de l'automne pour des raisons politiques. Spurius Albinus finit par laisser son frère Aulus à la tête de l'armée qui avait pris ses quartiers d'hiver, dans la province Africa, aux frontières de la Numidie. Ce dernier, voyant que son frère tardait à revenir de Rome, et rêvant d'une victoire facile, se mit à menacer Jugurtha de la puissance de son armée.

Il entreprit alors, en plein hiver, le siège de Suthul, lieu nous dit Salluste, où était déposé le trésor du roi numide. On a cherché à identifier, mais sans preuve, Suthul avec Calama (Guelma). Par une habile manœuvre, Jugurtha réussit à l'entraîner, puis à l'encercler avec ses troupes et remporter ainsi une grande victoire sur l'armée romaine.

« Le lendemain, Jugurtha eut une entrevue avec Aulus. Bien qu'il le tienne enfermé avec son armée, bien qu'il ne dépende que de lui de l'exterminer par le fer ou par la faim, il est prêt à prendre en considération l'instabilité des choses humaines. Si Aulus est dispose à traiter il ne fera que le passer sous le joug, lui et les siens, après quoi ils pourront s'en aller où bon leur semble. Mais Aulus aura dix jours pour quitter la Numidie... La nouvelle de ces événements plongea Rome dans la douleur et dans l'angoisse. » [24]

Ainsi Jugurtha prenait-il sa revanche en humiliant Rome et en lui imposant sa paix. C'est alors qu'éclata la suite de cette singulière aventure au cours de laquelle Jugurtha continua à s'illustrer comme le champion d'une Numidie libre.

Ce fut d'abord le frère aîné d'Aulus, Spurius Albinus qui, repoussant le traité signé, et voulant effacer la honte de la défaite, s'embarqua pour l'Afrique, mais devant ses troupes démoralisées et indisciplinées « tira la conclusion qu'il ne lui restait plus rien à faire ».

À ce moment-là, Salluste fait apparaître un nouveau personnage, Quintus Caecilius Metellus, élu consul pour l'année 109 et chargé de conduire la guerre contre Jugurtha. Il se fait accompagner par deux légats, Publius Rutilius Rufus et Caius Marius que Jugurtha avait rencontrés au cours du siège de Numance, vingt-cinq ans plus tôt. Les adversaires se connaissaient donc bien, et les dispositions prises montrent à quel point les Romains craignaient le roi des Numides :

« Jugurtha était, en effet, si fécond en ruses, il avait une telle connaissance du pays, une expérience militaire si grande, qu'on ne savait ce qu'il fallait redouter le plus : son absence ou sa présence, ses offres de paix ou de combat. » [25]

Les différents épisodes qui ont marqué la lutte que Jugurtha soutint contre Metellus et ses lieutenants sont parmi les plus commentés mais aussi les plus controversés du texte de Salluste. Les historiens modernes ont, en effet, tenté, chaque fois que cela était possible, d'identifier les sites où eurent lieu des combats en suivant le texte de Salluste et, en les plaçant ainsi sur une carte, de reconstituer le déroulement de ce qu'on qualifie communément de campagnes de Metellus.

À suivre de si près le texte de Salluste, qui n'était pas un géographe, loin s'en faut, on risque de tomber dans certaines exagérations, notamment celle des auteurs du « problème de Cirta » qui proposent de revoir toute la géographie politique de l'Afrique ancienne, en remplaçant par exemple Cirta (Constantine), capitale de la Numidie par Cirta Nova Sicca (Le Kef), et en réduisant le théâtre des opérations de la guerre contre Jugurtha à une partie seulement de l'actuelle Tunisie [26]. Or, les distances comme la durée et l'importance des opérations ne sont pas toujours données avec exactitude par Salluste qui se contente souvent d'allusions. Gsell écrivait déjà, dans son Histoire ancienne de l'Afrique du Nord [27] : « En telle matière, Salluste ne se pique pas de la précision et de l'exactitude rigoureuse du grand historien grec Thucydide. Aussi, nous est-il assez malaisé de rétablir la suite chronologique des faits qui nous sont présentes, et impossible de reconstituer l'ensemble des opérations militaires, en les plaçant dans leur milieu géographique. D'autres textes nous permettent de constater l'omission par Salluste d'un événement qui nous parait fort important : la perte de Cirta, dont Metellus s'était emparé en 108, et qui en 106 n'appartenait plus aux Romains. »

Les campagnes de Metellus se sont déroulées au cours des années 109 et 108 avant Jésus-Christ. Encore une fois, Jugurtha va avoir à mobiliser l'énergie et les ressources de la Numidie pour affronter un ennemi dont les troupes ont été grossies et réorganisées. Celles-ci pénètrent en Numidie et occupent la place de Vaga (Beja) qui était un important marché agricole.

La première bataille s'est déroulé, non loin de la, près du fleuve Muthul, dont l'identification a une grande importance (l'Oued Mellegue d'après Gsell, l'Oued Tessa, d'après les travaux de Saumagne).

Jugurtha, sans abandonner les méthodes de guérilla qu'il avait commencé d'appliquer contre l'armée romaine, a tenté cependant, durant l'été 109, une opération de grande envergure au cours de laquelle Salluste nous le montre en train d'exhorter ses troupes et les encourager à défendre leur pays :

« Ensuite, il se mit à parcourir, un à un, escadrons et manipules, les exhortant, les conjurant de se souvenir de leur glorieux passé et de leur récente victoire, et de défendre leur pays et leur roi contre la rapacité des Romains : »Ceux qu'ils vont combattre, une fois déjà ils les ont vaincus et fait passer sous le joug. En changeant de chef ils n'ont pas changé d'âme. Tout ce qu'un général doit faire pour assurer à ses troupes les meilleures conditions de combat, il l'a fait. Ils ont l'avantage du terrain. Ils sont exercés au combat, l'ennemi ne l'est pas ; et ils ne lui sont pas inférieurs en nombre. Qu'ils se tiennent donc prêts et résolus pour fondre sur les Romains au premier signal. Le jour est venu qui va voir soit le couronnement de tous leurs efforts et toutes leurs victoires, soit le commencement de leur ruine.« Il trouve un mot pour chaque combattant. Quand il reconnaît un soldat qui a reçu de lui une récompense, il lui rappelle cette faveur et le donne en exemple aux autres. Selon le caractère de chacun, il promet, menace, supplie, bref, use de tous les moyens pour exciter leur courage. » [28]

Ainsi, en véritable chef militaire, Jugurtha déployait-il une activité inlassable. On retrouvera ce trait de caractère tout au long de sa résistance.

« Jugurtha ne reste pas inactif. On le trouve partout. Partout il exhorte ses soldats. Il recommence le combat. Toujours à la tête des siens, tantôt il vole à leur secours, tantôt il attaque ceux des nôtres qui fléchissent, tantôt il combat de loin ceux qui tiennent ferme. » [29]

Les Romains décidèrent alors d'employer une autre tactique, celle de la terre brûlée, car Jugurtha demeurait irréductible. Mais le roi s'en tenait à la stratégie de la guérilla et du harcèlement des troupes romaines, dont il fit un véritable art militaire :

« Dérobant soigneusement ses déplacements par des marches nocturnes à travers des routes détournées, il surprenait les Romains en train d'errer isoles... Partout où il savait que l'ennemi devait passer, il empoisonnait le fourrage et les rares sources qu'on rencontrait dans la région. Il s'en prenait tantôt à Metellus, tantôt à Marius. Il tombait sur la queue de la colonne et regagnait ensuite précipitamment les hauteurs les plus proches, pour revenir à la charge aussitôt après, harcelant, tantôt l'un, tantôt l'autre. Jamais il n'engageait le combat mais, aussi, jamais il ne laissait un instant de répit à l'ennemi, se contentant de contrarier tous ses desseins. » [30]

La seconde bataille de l'année 109, qui dut se dérouler vers le début de l'automne, jeta une ombre sur les opérations militaires de Metellus, car elle fut un véritable désastre de l'armée romaine devant la ville de Zama assiégée.

Naturellement, le texte de Salluste n'est pas très accablant pour les Romains et, comme pour dédouaner Metellus des résultats limités de sa campagne engagée avec force et éclat, il nous le montre en train de déployer une fébrile activité diplomatique pour capturer Jugurtha par traîtrise. C'est ainsi qu'il entra en contact avec Bomilcar, l'un des lieutenants de Jugurtha, et « le séduisit par les plus magnifiques promesses », à condition qu'il lui livrât Jugurtha, mort ou vivant.

Bomilcar se mit à l'oeuvre et chercha à décourager le roi. Après avoir écouté un moment les mauvais conseils de son collaborateur, Jugurtha ne put supporter l'idée d'un esclavage éventuel et reprit la lutte de plus belle. Profitant d'un relâchement de l'armée romaine, [au cours de l'hiver 109-108] occupée à suivre les intrigues de Marius pour accéder au consulat et remplacer Metellus, le roi numide organisa le soulèvement de la population de Vaga qui massacra la garnison romaine, le jour de la fête des Cereres. Une violente politique de répression suivit ce « coup » de Vaga.

« Cependant Jugurtha, ayant renoncé à se rendre et résolu de recommencer la guerre, s'y préparait avec une ardeur fébrile. Il levait des troupes, cherchait à gagner par la terreur ou par l'appât des récompenses les cités qui s'étaient détachées de lui, fortifiait les places, faisait réparer les armes, en achetait de nouvelles, des traits, des projectiles de toute sorte, pour remplacer ceux qu'il avait livrés dans l'espoir d'une paix. Il attirait à lui les esclaves des Romains, s'efforçait de corrompre les soldats de nos garnisons. Pour tout dire, il n'y avait pas de moyen qu'il ne tentât, d'argument qu'il ne fit valoir, d'occasion qu'il ne négligeât. » [31]

L'échec du complot contre Jugurtha fut également le début d'une nouvelle vie pour le roi dont certains familiers comme Bomilcar ou Nabdalsa avaient trahi la confiance. « À partir de cette époque, il ne connut plus de repos, ni de jour ni de nuit... Au fond ce qu'il craignait, c'était la trahison, et il croyait pouvoir y échapper en multipliant ses déplacements, jugeant que l'exécution de tels desseins nécessite toujours un temps plus ou moins long avant que s'offre un concours de circonstances favorables. » [32]

Pour l'armée romaine également, la campagne de l'année 108 est marquée par un changement dans la stratégie. Metellus, après une attaque surprise au cours de laquelle il ne réussit cependant pas à vaincre Jugurtha, décida de pénétrer au cœur du pays numide et d'engager de longues opérations où il s'attaquerait aux centres qui soutenaient Jugurtha.

À Thala, ville du sud, « dont l'emplacement est discute » [33], la population a résisté quarante jours au siège que lui imposaient les Romains. « Les défenseurs voyant leur ville perdue, transportèrent tous leurs biens, tout l'or et l'argent au palais, et livrèrent tout aux flammes : le palais, les trésors et leurs corps, préférant la mort à la servitude. » [34]

Ainsi, les effets escomptes par les opérations de Metellus se révélaient inefficaces, puisqu'après la perte de Thala, Jugurtha entreprit de former une armée parmi les populations du sud de la Numidie, et renforça ses positions par une alliance avec le roi de Maurétanie, son beau-père, Bocchus.

« Donc, les armées se réunissent en un lieu convenu entre les deux rois. Là, après un échange de serments, Jugurtha cherche par son discours à exciter l'ardeur de Bocchus : les Romains, peuple injuste d'une rapacité sans frein, sont les ennemis de l'humanité. Le motif de leur guerre contre Bocchus est celui-là même qui les arme contre lui, Jugurtha, et contre tant d'autres, c'est leur soif de domination. Ils voient un ennemi dans toute puissance autre que la leur. Aujourd'hui Jugurtha. Hier Carthage, le roi Persée. Demain tout peuple, quel qu'il soit, s'il est trop riche à leur gré. » [35]

Les deux rois s'avancèrent alors vers l'est, en direction de Cirta que Metellus avait occupée et où il avait fait « entreposer son butin, ses prisonniers et ses bagages ». Mais le proconsul romain refusait le combat et se protégeait dans un camp retranché. C'était la fin de l'année 108 et voici que des nouvelles de Rome lui apprirent que son légat Marius venait d'être élu consul chargé de conduire la guerre en Numidie. Marius intriguait depuis longtemps contre Metellus et entretenait des rapports avec un demi-frère de Jugurtha, nomme Gauda.

Comme son prédécesseur, Marius recruta de nouveaux et importants contingents pour rentrer en Numidie. Il y avait déjà une importante armée d'occupation, mais, faute de précisions, il est difficile d'avancer le moindre chiffre. Les combats reprirent au printemps de l'année 107 et Marius, poursuivant la tactique de Metellus, s'efforçait de couper Jugurtha de ses bases d'appui et de ravitaillement. N'ayant enregistré aucun succès, il voulut, à l'exemple de son ancien chef, s'emparer d'une ville du sud. Ce genre d'opérations frappait l'opinion publique à Rome et permettait aux militaires de recevoir une aide accrue.

À la fin de l'été, Marius réussit à occuper Capsa (Gafsa) qui « fut livrée aux flammes. Les Numides adultes furent massacrés ; tous les autres vendus comme esclaves... ». Cet acte, Salluste le reconnaît, était contraire aux lois de la guerre. Le deuil et le carnage se répandaient partout [36]. L'auteur passe ensuite sous silence tout ce qui a pu se produire au cours de l'hiver 107 jusqu'au printemps 106 où une place forte située à la limite de la Numidie et de la Maurétanie, près du fleuve Muluccha (Moulouya), tomba aux mains des Romains qui purent s'emparer du trésor de Jugurtha. Cette longue expédition à travers toute la Numidie, et sur laquelle Salluste ne dit mot, fait l'objet de discussion entre les historiens.

Comment expliquer, en effet, que Salluste ne mentionne pas un trajet aussi long, surtout quand il ajoute que le questeur Lucius Cornelius Sulla (Sylla) a rejoint Marius jusqu'au fortin de la Muluccha ? Sur les invraisemblances du texte de Salluste, est-il utile de répéter qu'il n'existe pas d'autre texte qui permette de le corriger ou de le compléter ? Cependant, il est à constater que la guerre menée par les Romains contre Jugurtha avait pris une tournure particulière et surtout qu'elle se poursuivait depuis plus de quatre ans.

À l'arrivée du questeur Sylla, il n'était pas impossible que, forts d'un gros apport de troupes, le consul Marius puis son questeur cherchèrent à occuper le pays et à risquer de s'enfoncer profondément à travers la Numidie.

« Cependant Jugurtha, qui venait de perdre Capsa et plusieurs autres places importantes, ainsi qu'une grande partie de ses trésors, avait demandé à Bocchus d'amener au plus tôt ses troupes en Numidie : le temps était venu, selon lui, de livrer bataille... Bocchus rejoignit Jugurtha à la tête d'une armée considérable et tous deux, ainsi réunis, marchèrent contre Marius qui était en train de regagner ses quartiers d'hiver. » [37]

Juste avant l'hiver 106, peut-être en octobre, eurent lieu deux batailles, séparées par un intervalle de quelques jours, que se livrèrent les deux armées. Au cours de la première, favorable à l'armée de Jugurtha et de Bocchus, Marius avait réussi à échapper à un désastre et à un massacre de son armée. Jugurtha engagea la seconde bataille près de Cirta :

« Marius se trouvait alors à l'avant-garde où Jugurtha dirigeait en personne la principale attaque. À la nouvelle de l'arrivée de Bocchus, le Numide s'éclipse discrètement et accourt avec précipitation, suivi d'une poignée d'hommes, du côté où combattent les fantassins de son allié. Là, il s'écrie en latin - il avait appris cette langue au siège de Numance - que »toute résistance des Romains est vaine, qu'il vient de tuer Marius de sa propre main « ... Ces paroles jettent l'épouvante dans nos rangs. » [38]

Grâce à cette ruse de Jugurtha, les Romains faillirent connaître une seconde défaite, mais l'intervention de Sylla renversa les chances et la rencontre fut défavorable aux deux rois. Bocchus, décourage, chercha à négocier, tandis que Jugurtha poursuivait, infatigable, la lutte contre Marius. Mais ce dernier, probablement sous l'influence de Sylla, au lieu d'opérations hasardeuses et difficiles dans lesquelles s'enlisait l'armée romaine, préféra la voie des pourparlers avec Bocchus.

Les Romains voulaient amener Bocchus à leur livrer Jugurtha. Hésitant, Bocchus finit par faire croire à Jugurtha que des tractations étaient en cours avec les Romains pour la signature d'un accord.

Jugurtha lui fit répondre qu'il était « prêt à signer et à accepter toutes les conditions mais qu'il n'avait que peu de confiance en Marius. Combien de fois a-t-on déjà signé avec les généraux romains des traités de paix qui sont demeurés sans valeur ! » [39]

Il proposa donc à Bocchus de lui livrer Sylla contraignant ainsi Rome à signer. Le roi maure fit mine d'accepter cette dernière proposition tout en préparant un guet-apens qui lui permit de livrer Jugurtha « chargé de chaînes » à Sylla. Ce dernier le conduisit chez Marius [40], en automne de l'année 105.

Fidèle soutien des Romains, le roi Bocchus fut récompensé en ajoutant à ses États ceux du Numide qu'il avait trahi.

Le récit de Salluste s'arrête presque net à ce point, passant sous silence la fin tragique réservée à l'aguellid numide qui avait âprement défendu l'indépendance de sa patrie. Plusieurs années de guerre avaient été nécessaires pour tenter de venir à bout du redoutable Jugurtha que l'on considérait, en Italie même, comme un second Hannibal. Et encore ne fut-il pris que par traîtrise...

C'est Plutarque qui nous a transmis un récit détaillé de l'exécution de Jugurtha qui eut lieu, le 1er janvier 104, pendant le triomphe de Marius :

« Revenu d'Afrique avec son armée, il (Marius) célébra en même temps son triomphe et offrit aux Romains un spectacle incroyable : Jugurtha prisonnier ! Jamais aucun ennemi de ce prince n'aurait jadis espéré le prendre vivant, tant il était fertile en ressources pour ruser avec le malheur et tant de scélératesse se mêlait à courage !... Après le triomphe, il fut jeté en prison. Parmi ses gardiens, les uns déchirèrent violemment sa chemise, les autres, pressés de lui ôter brutalement ses boucles d'oreilles d'or, lui arrachèrent en même temps les deux lobes des oreilles. Quand il fut tout nu, on le poussa et on le fit tomber dans le cachot souterrain... Il lutta pendant six jours contre la faim et, suspendu jusqu'à sa dernière heure au désir de vivre... », il aurait été étranglé, selon Eutrope, par ordre de Marius [41].

C'est dans la prison du Tullianum, sur le Forum romain, que l'illustre condamné subit ces ultimes supplices. Ses deux fils, qui avaient précédé le char du triomphe, furent envoyés à Venusia, où ils passèrent leur vie dans la captivité.

Le roi du Pont, Mithridate, reprocha aux Romains leur barbarie envers le petit-fils de Massinissa. « Si l'action de Jugurtha fut un essai conscient d'unir tous les Berbères dans une guerre patriotique, c'est en vain qu'on cherchera une preuve dans Salluste, car Jugurtha n'y est que prétexte à un jugement moral sur Rome, et ses chefs » [42], écrit A. Laroui, dans un de ses récents ouvrages, à propos du texte du Bellum Jugurthinum qui constitue pratiquement notre seule source d'étude du roi numide.

Effectivement, toute la première partie de l'oeuvre de Salluste, qui va de la jeunesse de Jugurtha jusqu'à sa résistance à Metellus, a toujours constitué un obstacle pour la recherche d'une histoire impartiale. Les événements de la guerre dite de Jugurtha nous apprennent finalement peu de choses sur ce personnage, hormis quelques détails sur sa jeunesse et sa vie de résistant. Mais que fut le roi ? Comment administrait-il son royaume ? Quelles étaient ses ressources ? Cela Salluste ne le dit pas et aucun auteur ancien ne s'en est soucie, laissant ainsi un aspect important de la vie de cet homme dans l'ombre. C'est ce qui rend d'ailleurs Jugurtha si énigmatique et si attirant à la fois.

Pour la majorité des chercheurs qui se sont intéressés à Salluste et à son oeuvre, la « Guerre de Jugurtha » est considérée plutôt comme une oeuvre de composition harmonieuse où la recherche de l'effet dramatique est prédominant. On peut se demander également dans quelle mesure le séjour de Salluste en Afrique a pu le préparer à raconter la guerre de Jugurtha, car finalement ces événements n'ont été pour lui qu'une occasion pour s'attaquer à la noblesse et montrer les dommages causes à la république romaine par l'aristocratie maîtresse de l'État depuis la chute des Gracques.

C'est sur cette toile de fond qu'apparaît la forte personnalité de Jugurtha, en même temps que tout le tragique de la situation du royaume numide dont l'indépendance va être rendue de plus en plus illusoire au fur et à mesure que Rome s'engage dans sa politique coloniale.